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Union européenne, la troisième étape

A l’occasion de la fête de l’Europe samedi 9 mai, les députés européens Renaissance (1) (groupe Renew Europe) appellent les Etats européens à faire de nouveaux pas pour affirmer l’Union comme acteur puissant de la scène internationale.

Non, l’Union ne se défait pas. Elle progresse, en terrain miné, mais progresse vers l’union politique

On se tromperait à trop vite l’enterrer. L’Union peut évidemment se défaire. Elle n’en a d’ailleurs jamais été loin depuis que Robert Schuman en avait jeté les bases en appelant, le 9 mai 1950, à constituer une communauté du charbon et de l’acier. L’unité européenne pourrait d’autant plus facilement entrer au cimetière des illusions perdues que MM. Trump, Poutine et Xi lui vouent une hostilité commune, que les incompréhensions entre les États de l’Union sont profondes et que ses citoyens n’éprouvent pas plus d’indulgence que d’enthousiasme à son égard.

Les dangers pesant sur l’unité européenne n’ont rien de négligeable mais regardez autour de vous, tendez l’oreille, observez et, non, le Brexit ne fait pas d’émules, nulle part, et n’en a même jamais eu aussi peu.

Quelle est la critique faite à l’Union ?

En France, Mme Le Pen se montre plus prudente qu’hier sur une sortie de l’Union et s’en prend plus à Emmanuel Macron qu’à la Commission. En Italie, M. Salvini est en net recul dans les sondages malgré l’immense colère des Italiens contre le manque de solidarité européenne. En Allemagne, c’est l’europhile Mme Merkel qui progresse et non pas l’europhobe AfD et, partout, quelle est la critique faite à l’Union ?

On lui reproche d’avoir trop tardé à voir que l’épidémie devenait pandémie, de ne pas avoir été bien meilleure que la Chine, l’OMS, les États-Unis, les capitales européennes ou la Russie. On lui reproche de ne pas avoir été assez active et présente mais certainement pas d’avoir empiété sur les souverainetés nationales et les responsabilités des États membres. Aux yeux des Européens, ce dont l’Union s’est rendue coupable n’est pas d’avoir trop existé mais pas assez.

C’est la première raison pour laquelle nous ne croyons pas à son délitement mais bien plutôt à son approfondissement et la deuxième est que cette crise accélère une prise de conscience européenne.

En moins de deux mois, il est devenu indiscutable que trois grandes puissances dominent ce début de siècle mais que, dans ce trio de tête, nous autres, Européens, souffrons d’un lourd handicap. Alors que les États-Unis et la Chine disposent d’une force miliaire, d’un exécutif et d’un appareil d’État en plus de leur poids économique, l’Union européenne n’a, elle, ni gouvernement commun, ni puissance publique, ni Défense commune.

Notre poids économique dérange la Chine et les États-Unis avec lesquels il nous met à égalité mais nous sommes, pourtant, un géant aux pieds d’argile, un nain politique, un trop frêle édifice que Washington et Pékin voudraient abattre à tout prix.

Alors, pour nous Européens, le choix est clair

Ou bien nous affirmons, l’Union en acteur de la scène internationale, en grande puissance à même de défendre sa souveraineté, ses intérêts et ses solidarités, ou bien nous serons pour longtemps relégués en deuxième division, pris entre les pressions de la plus grande des dictatures et celles d’un allié sur l’appui duquel nous ne pouvons plus compter car c’est, d’abord, un rival économique qu’il voit en nous.

Cette évolution de nos 26 partenaires sur la nécessité d’affirmer l’Union en puissance politique, nous avions pu la constater dès notre élection au Parlement européen. Dans les débats et les travées, nous avions pu sentir, dès le printemps dernier, que les idées de Défense européenne, de politique industrielle et d’investissements communs, ces idées de puissance, de souveraineté et d’affirmation européennes, n’étaient plus choses taboues dans l’Union. Bien avant cette pandémie, elles étaient même devenues si largement admises que la présidente de la Commission parlait, à sa prise de fonction, d’une « Commission géopolitique » mais qu’en est-il maintenant, à l’heure de l’épreuve ?

Eh bien les premiers flottements passés, bien d’autres tabous sont tombés, comme en rafales. Sans qu’aucune des 27 capitales de l’Union ne proteste, la Commission a mis entre parenthèses les critères de Maastricht et la proscription des aides publiques aux entreprises nationales. Si longtemps et vigoureusement refusée par tant des 27 capitales, l’Europe sociale vient de franchir un vrai pas avec les 100 milliards d’euros débloqués par la Commission pour soutenir le financement du chômage partiel par les États membres.

Sous l’impulsion de notre délégation et de Renew, de notre groupe parlementaire, quatre des principaux courants du Parlement européen ont appelé ensemble au lancement d’un plan de relance commun financé par l’emprunt. Cet appel a été entendu par la Commission puis par le Conseil. Des divergences demeurent sur les modalités de remboursement de cette future dette de plus de mille milliards d’euros. Elles sont importantes mais beaucoup moins, en fait, que la révolution que constitue cet accord puisque les 27 s’autorisent enfin à emprunter ensemble pour investir ensemble sur des projets définis ensemble.

Bien des choses sont en train de changer dans l’Union

Parce que nécessité fait loi, toutes vont dans le sens d’une plus grande intégration économique et d’une affirmation politique des 27. Toutes vont dans le sens de ce que souhaitait la France depuis toujours, de ce que son président avait réaffirmé depuis trois ans et de ce qui nous avait réunis, aux élections européennes, sur une même liste, Renaissance, dont l’ambition et le combat sont le renouveau de l’Union.

En ce soixante-dixième anniversaire de la déclaration Schuman, beaucoup a été fait mais tout reste à faire. C’est la raison de la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui va bientôt s’ouvrir mais comment ne pas voir que, si les tensions et les dangers menaçant l’Union sont si grands, c’est que nous abordons une nouvelle étape de notre unité ? Dès lors que l’idée d’une Défense européenne n’est plus exclue mais admise, les discussions sur son ampleur, son organisation et son lien avec l’Alliance atlantique deviennent forcément vives. Dès lors que les idées de politique industrielle européenne et d’emprunts communs pour financer des investissements communs, sont sur la table, il faut définir des priorités, répartir efforts et bénéfices et bientôt dire qui fera quoi et où.

Non, l’Union ne se défait pas. Elle progresse

Ce n’est évidemment pas facile, pas plus que ne le seront le renouvellement de la Politique agricole commune ou la réalisation du Green deal, de ce Pacte vert dont le Parlement et la Commission ont fait leur objectif commun. Parce que nous avançons, tout devient plus complexe et incertain. Comme jamais, c’est vrai, nous marchons en terrain miné mais, au cœur de cette pandémie, pourrait-on tout à la fois déplorer que l’Union n’ait pas eu et n’ait toujours pas de compétence dans le domaine de la santé et accepter que notre unité se défasse ? Pourrait-on renoncer à l’Union alors même que nous voyons à quel point elle est un bunker des libertés et de la protection sociale face à une Chine qui jette ses lanceurs d’alerte en prison et à des États-Unis où la couverture médicale pour tous est encore regardée comme relevant d’un programme d’extrême gauche ou, pire encore, européen ?

Après le marché commun et la monnaie unique, nous abordons la troisième étape : l’Europe politique. Au Parlement, au Conseil, à la Commission, tout va donc beaucoup tanguer mais nous y sommes prêts. Nous sommes déterminés à faire de l’Union une vraie puissance car l’Europe et le monde en ont besoin.