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L'Agefi I L’Union européenne ménage le paiement fractionné

Paru le 05/12/22

Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne laissent la main aux Etats membres pour trancher sur de nombreux points clé concernant le «Buy Now Pay Later». 

Les négociations étaient parties du mauvais pied, elles ont finalement abouti dans le délai escompté, avant la fin de l’année. Au milieu de la nuit de jeudi à vendredi derniers, les représentants du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne ont conclu un accord politique sur le nouvel encadrement européen des crédits aux consommateurs. En juin 2021, la Commission européenne avait proposé une révision profonde de la directive actuelle qui fixe depuis 2008 des exigences en matière de frais, de taux, ou encore d’informations soumises aux emprunteurs pour ce type de crédits. Face à l’explosion de nouvelles offres de crédits en ligne, et aux risques de surendettement qui peuvent en résulter pour les ménages, le projet visait à la fois à muscler ces règles jugées obsolètes et à élargir sensiblement leur champ d’application. 

La grande nouveauté introduite par la réforme consiste en l’inclusion de la pratique du paiement fractionné, ou «Buy now pay later» (BNPL) qui échappait jusqu’ici aux exigences des règles européennes : le plafonnement des indemnités de remboursement anticipé et des pénalités de retard, l’instauration d’un droit de rétractation obligatoire de 14 jours sans frais, ou encore la présentation d’informations pré-contractuelles à l’emprunteur. Si son inclusion est bien maintenue, les négociateurs ont sensiblement affaibli le traitement des BNPL par rapport au projet initial de Bruxelles.  

Exit, par exemple, la disposition visant à contraindre les prêteurs à fournir une fiche d’informations (durée, frais d’impayés, Taux Annuel Effectif Global …) « un jour avant » l’octroi du crédit. Tel que proposé par la Commission, l’article en question aurait « de fait supprimé l’immédiateté des BNPL, qui constitue un élément déterminant de l’attractivité de ces produits, aussi bien pour les commerçants que pour les consommateurs », expliquait à L’Agefi fin octobre Lucien Jarry, avocat au sein du cabinet Ashurst. Aux termes de l’accord conclu vendredi, l’envoi de cette fiche restera certes obligatoire, mais il devra intervenir non plus « un jour avant » mais « en temps utile » («in good time » dans le texte). Une formulation floue, vouée à donner une marge de manœuvre à chacun des Etats membres au moment de transposer le texte dans le droit national. 

Des marges de manœuvre laissées aux Etats 

Plus généralement, la Commission européenne, dont la copie allait dans le sens d’une forme harmonisation des règles, regrette que les Etats membres soient in fine laissés libres de trancher sur de multiples points. Pour une liste de crédits (ceux de moins de 200 euros, les crédits à rembourser sous moins de 3 mois, ou les crédits sans intérêt ou à frais limités), incluant la plupart des paiements fractionnés. Les Etats membres pourront déterminer que certains articles ne s’appliqueront pas, précise l’accord. Lesdits articles concernent par exemple la portée des informations précontractuelles requises ou le nouvel encadrement de la publicité instauré par la réforme.  

« Les négociateurs du Parlement ont obtenu une disposition afin que la publicité pour le crédit contienne toujours un avertissement clair et bien visible qu’emprunter de l’argent coûte de l’argent. La publicité ne doit pas encourager les consommateurs à demander un crédit en suggérant qu’il améliorerait leur situation financière, que le crédit entraîne une augmentation des ressources financières, qu’il constitue un substitut à l’épargne ou qu’il peut augmenter le niveau de vie du consommateur », se félicite le Parlement dans un communiqué. Précision importante : dans les faits, les Etats membres garderont, donc, la main sur ces modalités. Autre liberté accordée aux Etats membres : celle d’inclure ou non les cartes à débit différé dans le champ du texte. Les services de crowdfunding en sont, eux, complètement exclus. 

Évaluation préalable de la solvabilité 

Sans, cette fois, pouvoir totalement y déroger, les Etats membres auront aussi une certaine marge de manœuvre concernant l’évaluation préalable de la solvabilité des consommateurs par les prêteurs, pour les BNPL notamment. Les négociateurs ont convenu que la rigueur de cette évaluation devra être « proportionnée » en fonction du risque du crédit, de sa durée et des montants impliqués en particulier.  

Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée macroniste, et membre de l’équipe de négociation du Parlement, salue auprès de L’Agefi « le bon équilibre » trouvé par l’UE : « Nous avons conclu un accord qui permettra de protéger les consommateurs les plus vulnérables du surendettement tout en maintenant des opportunités de solutions de paiement plébiscitées par le consommateur, estime la parlementaire du groupe Renew (libéral). Je me réjouis par ailleurs que nous ayons ajouté le droit à l’oubli lors de la vente d’assurances liées au crédit à la consommation ». Les négociateurs du Parlement ont effet obtenu « une mesure qui protège les personnes en rémission de cancer demandant un crédit pour lequel une assurance est requise, en leur accordant le ’droit à l’oubli’ après une période de temps donnée, afin que leur ancienne maladie n’ait pas d’incidence sur les taux d’assurance », résume le Parlement. 

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