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L'Opinion - Face aux pressions américaines, il est urgent de taxer les géants du numérique – par Stéphanie Yon-Courtin - 11/04/2025

Face aux pressions américaines, il est urgent de taxer les géants du numérique – par Stéphanie Yon-Courtin
« Si l’Europe venait à céder elle-même sur l’application de ses propres lois, cela enverrait un signal catastrophique »
L’Europe face aux pressions américaines : défendons notre souveraineté numérique L’Europe est à un moment charnière de son histoire. Alors que les Etats-Unis intensifient leurs attaques contre nos régulations numériques, notamment le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), il est impératif que l’Union européenne reste ferme dans la défense de ses intérêts et de sa souveraineté économique.
Les signaux envoyés par Washington sont préoccupants. L’executive order américain sur l’innovation et le rapport annuel sur les barrières commerciales désignent nos régulations comme des obstacles au leadership américain. A cela s’ajoutent des droits de douane de 10 % à 25 % sur nos exportations, imposés par Washington. Le message est clair : nos règles sont perçues comme une menace directe pour les intérêts américains. Nos régulations ne sont pas négociables Céder à ces pressions serait une erreur stratégique majeure. Nos régulations, conçues pour garantir une concurrence loyale et protéger nos citoyens, ne doivent pas devenir des monnaies d’échange dans un hypothétique accord transatlantique. Les rumeurs selon lesquelles les amendes prévues par le DMA pourraient être limitées suscitent des inquiétudes.
Combinées au silence de la Commission européenne — qui contraste avec le style direct de l’ancien commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton et à la fermeté de Margrethe Vestager, la célèbre « tax lady » connue pour ses bras de fer avec les Gafam —, elles n’arrangent rien. Face à un Donald Trump qui frappe tous azimuts, ne cédons rien à son jeu transactionnel. L’Europe ne doit pas tendre l’autre joue mais affirmer la défense vigoureuse de nos principes. Elle en a les moyens. Si l’Europe venait à céder elle-même sur l’application de ses propres lois, cela enverrait un signal catastrophique. Non seulement notre rôle de régulateur serait remis en cause, mais cela ouvrirait la porte à une remise en question de notre souveraineté économique.
L’Europe ne peut se permettre d’être discréditée par les attaques répétées de Donald Trump contre nos régulations. Et ne nous trompons pas : nombre d’entreprises, tant européennes qu’américaines, appellent à une application du DMA pour des règles du jeu équitables, claires, applicables à tous. Laisser ces règles s’affaiblir serait trahir les acteurs économiques qui comptent sur l’Europe pour faire respecter un cadre juste. Taxer les géants du numérique : une nécessité urgente Les attaques américaines ne se limitent pas aux régulations. Depuis des années, les Gafam engrangent des profits colossaux en Europe, tout en échappant largement à l’impôt. L’accord fiscal de l’OCDE, censé corriger cette injustice, est aujourd’hui menacé par les Etats-Unis.
Si Washington se retire, l’Europe devra agir seule. La mise en place d’une taxe numérique européenne, en suspens depuis 2018, est plus urgente que jamais. Avec 450 millions de consommateurs, notre marché représente un quart des revenus des entreprises technologiques américaines. Il est temps de faire valoir notre poids économique. L’Europe doit reprendre l’initiative Les attaques contre notre souveraineté économique se multiplient. Après le DMA, ce sont nos régulations sur l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les cryptomonnaies et la lutte contre le blanchiment d’argent qui sont dans le collimateur de Washington.
Pourtant, l’Europe n’a pas à s’excuser de défendre ses intérêts. Nos règles doivent être appliquées sans concession, nos entreprises protégées, et notre fiscalité adaptée à la réalité économique. Bruxelles doit sortir de la défensive. L’heure est venue d’imposer nos règles et de mettre en place une taxe numérique européenne. Ce combat dépasse les enjeux commerciaux : il s’agit de préserver notre souveraineté et de garantir un avenir où l’Europe reste maître de son destin. Ne l’oublions pas : l’Union européenne est l’une des premières puissances mondiales.
Agissons pour qu’elle le reste. Stéphanie Yon-Courtin est eurodéputée Renew, coordinatrice pour son groupe de la commission des affaires économiques, et spécialiste des régulations du numérique.