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Challenges - Droits de douane : face à Trump, l’Europe organise sa riposte et met les Gafam en joue - 08/04/2025

Droits de douane : face à Trump, l’Europe organise sa riposte et met les Gafam en joue

La régulation des géants du numérique est un puissant levier de négociation contre les États-Unis de Donald Trump. Taxation des Gafam, droits d’accès… toutes les options sont sur la table. 

Une guerre peut en cacher une autre. Face à l’attaque des Etats-Unis sur le front des tarifs douaniers pour punir l’Europe de son succès à lui vendre des médicaments et berlines, l’Union européenne pourrait durcir ses positions dans les services numériques (logiciels, cloud, streaming, réseaux sociaux), ultradominés par Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (les fameux Gafam) mais aussi Nvidia ou Netflix. Le traitement des stars de la Silicon Valley par l’Union suscite déjà l’ire de l’administration Trump. Bruxelles leur a infligé régulièrement de lourdes amendes pour pratiques anticoncurrentielles et abus d’optimisation fiscale. 

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Et les motifs de contentieux se sont accrus avec l’instauration du règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2018, puis, en 2023, le règlement sur les marchés numériques (DMA), visant à encadrer les activités économiques des grandes plateformes, et celui sur les services numériques (DSA) ciblant les produits illicites (contrefaits ou dangereux) et contenus illicites (haineux, pédopornographiques…) et enfin, en 2024, la régulation de l’intelligence artificielle. Autant de prétextes pour « frapper de manière disproportionnée les entreprises américaines », selon le département du commerce américain. Les Big Tech font pression pour affaiblir ces régulations, alors qu’elles réalisent 15 à 20 % de leur chiffre d’affaires en Europe.

Une taxe qui pourrait rapporter jusqu’à 37,5 milliards d’euros

Que peut faire l’Union européenne ? Déjà, ne pas plier sous la pression, selon l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin (Renew) qui craint que les commissaires Henna Virkkunen et Teresa Ribera « se couchent » à l’heure de décider des amendes pour non-conformité au DMA attendues prochainement sur Apple et Meta. « On sait que la Commission est prudente, mais si on cède, c’est le début d’un détricotage de nos règles. » Pour Sandro Gozi, secrétaire général du Parti démocrate européen, « Trump mélange tout lorsqu’il dit que le DMA et le DSA sont des outils protectionnistes antiaméricains, il ne faut pas les politiser et tenir bon ».

Au-delà, l’Union européenne pourrait instaurer une taxation des services numériques. « Elle frapperait au cœur les proches soutiens de Trump et donnerait à l’Union de nouvelles ressources pour atténuer l’impact de cette crise », plaide Anna Cavazzini (Verts), présidente de la commission du Marché intérieur, au Parlement européen. La taxe pourrait notamment prendre la forme d’une contribution financière des Gafam à l’utilisation des réseaux télécoms. Avec le risque, toutefois, qu’elle ne soit répercutée sur les consommateurs européens. « Il faut cibler les fournisseurs qui proposent un service gratuit comme Meta et non Apple par exemple », défend Andreas Schwab, eurodéputé membre du Parti populaire européen, qui a dirigé les travaux du Parlement sur le DMA.

Le Parlement européen évoque une taxe de 5 % qui pourrait rapporter jusqu’à 37,5 milliards d’euros par an. Cette mesure requiert néanmoins une unanimité des Etats membres au conseil de l’Union. Evoquée depuis des années face au monopole des Gafam, elle n’a jamais fait consensus. Mais l’offensive de Trump pourrait la remettre à l’ordre du jour.

Alix Coutures