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Les Echos I Opinion - Numérique : il faut instaurer un "Buy European Tech Act"

Tribune parue le 10/08/2022

Avec l'Acte sur les services numériques (DSA), tout ce qui est illégal hors ligne le sera aussi en ligne ; avec l'Acte sur les marchés numériques (DMA), nous redonnons de l'oxygène aux entreprises européennes. Mais il faut maintenant créer un écosystème favorable à l'innovation, comme le font Américains et Chinois. 

Au niveau européen, et c'est une grande première, nous avons posé en un temps record les premiers jalons d'un nouveau cadre visant à responsabiliser les géants du numérique et à limiter leur position de monopole en dépoussiérant le droit de la concurrence. Avec l'Acte sur les services numériques (DSA), tout ce qui est illégal hors ligne le sera aussi en ligne ; avec celui sur les marchés numériques (DMA), nous redonnons de l'oxygène à nos entreprises. Autre avancée majeure : le règlement sur les subventions étrangères, qui met fin aux distorsions de concurrence causées par les aides d'Etat allouées par des puissances tierces. 

A travers ces nouvelles dispositions qui offrent un Internet plus sûr aux utilisateurs et des conditions de concurrence plus équitables aux entreprises, s'exprime toute l'originalité de notre modèle européen, qui repose à la fois sur la liberté économique et la justice sociale. Notre économie sociale de marché nécessite que les législateurs corrigent les dysfonctionnements des marchés et donnent aux entreprises les mêmes chances de prospérer, tout en protégeant les consommateurs. 

Le Buy American Act a quatre-vingt-dix ans ! 

Or, pour bâtir un véritable leadership numérique européen, nous devons aller plus loin en créant un écosystème favorable à l'innovation. Cela passe notamment par des investissements publics et privés massifs et structurants dans l'économie numérique, une progression de l'union des marchés des capitaux, un assouplissement et une harmonisation des règles, le renforcement des filières industrielles stratégiques ou encore une préférence assumée pour les solutions européennes. 

Sur ce dernier point, rappelons que nos concurrents chinois, américains ou israéliens ne se privent pas de réserver une part de leurs marchés publics à leurs propres entreprises. Le «Buy American Act », créé pendant la Grande Dépression, est toujours en vigueur quatre-vingt-dix ans plus tard… Quant à la Chine, elle n'hésite pas à brandir la carte de la préférence nationale pour défendre ses propres intérêts ! C'est pourquoi il est impératif d'avancer sur la question de la commande publique qui, pesant plus de 14 % du PIB européen, représente un levier majeur d'innovation et d'autonomie. 

Nos licornes doivent décrocher des contrats publics 

Ne serait-ce pas le moment d'envisager sérieusement un « Buy European Tech Act » ? L'Europe compte désormais des grandes entreprises et des pépites technologiques de plus en plus matures et performantes, capables de proposer des solutions et services à la hauteur des concurrents étrangers. 283 start-up sont aujourd'hui valorisées à plus d'un milliard de dollars, soit 10 fois plus qu'en 2014. Ces start-up, tout comme nos grandes entreprises, ont besoin de pouvoir compter sur des contrats publics pour affirmer leur leadership à l'international. La subvention ne devrait plus être le seul outil de stimulation de l'innovation en Europe.  

Il ne s'agit pas d'adopter une approche protectionniste. L'objectif n'est pas d'exclure totalement les fournisseurs étrangers, mais d'encourager les acheteurs publics à privilégier en toute légalité la technologie européenne, lorsqu'une offre équivalente en termes de prix, de qualité et de performance existe. 

Elargir ce qui se fait pour l'énergie ou la défense 

Un « Buy European Technology Act » pourrait étendre le traitement différencié́ pour les opérateurs de pays tiers, à l'image de ce qui se fait déjà dans certains secteurs clés, comme l'énergie ou la défense. Nous devons élargir cette approche à d'autres domaines stratégiques tels que la 5G, l'intelligence artificielle, la cybersécurité ou le cloud computing. Nos leaders européens doivent sérieusement envisager la renégociation des accords signés au nom de l'Union européenne à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). 

L'Union européenne est en train de reprendre son destin technologique en main, mais nous devons faire preuve de réalisme pour avancer. Ce n'est que de cette manière que nous parviendrons à bâtir une véritable autonomie stratégique numérique et industrielle européenne. 

Stéphanie Yon-Courtin est eurodéputée Renew Europe et vice-Présidente de la commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) au Parlement européen. Elle cosigne cette tribune avec 15 fédérations et 23 entreprises. 

Signataires :  

Bas Beekman, Directeur général, StartupAmsterdam Jan Bormans, Directeur général, European Startup Network Francesco Cerruti, Directeur général, Italian Tech Alliance Gianmarco Carnovale, Président, Roma Startup Godefroy De Bentzmann et Pierre-Marie Lehucher, Présidents, Numeum Jean-Noël De Galzain, Directeur général et Dorothée Decrop, Déléguée Générale, Hexatrust Esther Mac Namara, Déléguée Executive, Cap Digital Christian Miele, Président, the German Startup Association Maya Noël, Directrice Générale, France Digitale Clark Parsons, Directeur général, Internet Economy Foundation Marta Pawlak, Responsable des politiques publiques, Startup Poland Open Internet Project Johann Svane, Directeur politique, Danish Entrepreneurs Dominique Tessier, Responsable filière Cybersécurité, European Champions Alliance Guillaume Tissier, Co-organisateur, Forum International de la Cybersécurité Entreprises : Jean-Julien Alvado, Ferchouche Kamel, Aufrere Alexandre, EverTrust Jean-Pierre Barré, Directeur Commercial France, Wallix Group Arthur Bataille, Directeur général, Pr0ph3cy Paul-Emmanuel Bidault, Co-Fondateur, Dastra Stéphane Blanc, Président, Antemeta Murielle Bochaton, Directrice Commerciale, Nameshield Olivier Bourgeois, Responsable Communication Digitale, Arcad Software Cyril Bras, Directeur de la Cybersécurité, Whaller Jean-Michel Brossard, Directeur Général, Moabi Vincent Cardon, Président, Tranquil IT Laurent Cayatte, Président, Metsys Guillaume Champeau, Directeur Juridique et Affaires Publiques, Clever Cloud David Chassan, Directeur de la stratégie, 3DS Outscale Chloé Clair, Directrice générale, namR Fabrice Clerc, Directeur général, 6cure Luc D'Urso, Fondateur et Directeur général, Atempo Philippe Dann, Directeur risques et conseil, EBRC Ronan David, Directeur stratégique, Efficientip Ludovic De Carcouet, Directeur général, Digitemis Jean-Noël De Galzain, Directeur général, Wallix Group ; Fondateur et Président, Hexatrust Jacques De La Rivière, Directeur général, Gatewatcher Stanislas De Remur, Directeur général, Oodrive Stéphane De Saint Albin, CEO, Ubika  

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