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Nous avons besoin des compétences des femmes pour bâtir la croissance européenne de demain

Égaux sur le papier, inégaux dans les faits   

A travail égal, salaire égal. En 1957, le traité de Rome instaurait le principe de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Mais qu’en est-il 65 ans plus tard ?   

Si les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits sur le papier, il n’en est rien dans les faits. Les femmes continuent d’occuper la majorité des emplois précaires, les écarts de rémunération et les discriminations à l’embauche persistent, et la responsabilité des charges domestiques incombe toujours plus aux femmes.   

65 ans plus tard, force est de constater que les femmes sont toujours empêchées de réaliser leur plein potentiel sur le marché de l’emploi. Les obstacles augmentent à mesure qu’elles gravissent les échelons. A un moment donné de leur vie professionnelle, les femmes se heurtent bien souvent à un plafond de verre.   

Dans le monde politique comme dans le champ économique, le constat est le même : les femmes demeurent les grandes oubliées des sphères décisionnelles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les femmes dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises européennes cotées en bourse n’occupent qu’1/3 des sièges. Au-delà des conseils d'administration, du côté des postes de direction les plus élevés, les femmes se font encore plus rares. Il n’y a qu’à voir en France avec Christel Heydemann à la tête d’Orange, Catherine MacGregor aux commandes d’Engie et bientôt Estelle Brachlianoff chez Veolia. Jamais notre pays n’aura compté autant de femmes en même temps à la tête d’un groupe du CAC 40. 3 femmes dans le cercle très fermé des dirigeants du CAC 40, c’est un record ; 3 femmes, c’est aussi très peu.

Un vivier de talents féminins en Europe   

Cette sous-représentation des femmes à des postes à responsabilité s’expliquerait-elle par un manque de profils qualifiés ? Non, car les talents féminins ne manquent pas. Dans l’Union européenne, les femmes sont désormais plus nombreuses à suivre des programmes d’enseignement supérieur et elles sont, en moyenne, plus diplômées que leurs homologues masculins.   

Alors, peut-on aller jusqu’à dire que la présence de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises nuirait aux performances de ces dernières ? Au contraire, de nombreuses études ont attesté qu’une plus grande mixité au sein de ces instances engendrait de meilleures performances et des rendements plus élevés. Ainsi, selon une étude de McKinsey portant sur 300 entreprises à travers le monde, les sociétés dont le pourcentage de femmes au sein de leurs comités exécutifs est le plus élevé génèrent une prime de 55 % dans les résultats d’exploitation.            

Malheureusement, le stéréotype selon lequel une femme serait moins apte à diriger ou à décider résiste. On associe encore trop souvent cette faculté au sexe masculin. Il est même si culturellement enraciné que les femmes ont tendance à l’intérioriser et à se fixer elles-mêmes des barrières.   

D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? A chaque rare nomination de femme à un poste clé, on ne compte plus les titres « Une femme à la tête de… » dans la presse. Cela participe insidieusement à faire perdurer les stéréotypes de genre. Car, que retenons-nous en définitive ? Non qu’une personne a été nommée en raison de ses compétences réelles et reconnues – et occuperait donc une place méritée –, mais qu’elle est avant tout une femme.   

Corriger les inégalités pour donner enfin aux femmes la place qu’elles méritent   

Si les politiques en faveur de l’égalité femmes-hommes se sont multipliées ces dernières décennies, elles se sont révélées à ce jour insuffisantes pour instaurer une réelle égalité entre les sexes. Certes, il y a eu des avancées, mais elles restent trop lentes et les obstacles, trop nombreux.   

Rendons-nous à l’évidence ; le mérite ne suffit pas aux femmes pour leur permettre de peser dans les sphères décisionnelles. Pour rectifier cette inégalité, nous n’avons parfois pas d’autre choix que de passer par une politique de quotas. C’est d’ailleurs la voie choisie par la proposition de Directive européenne Women on boards, qui vise à porter à au moins 40 % la part des femmes occupant des postes non exécutifs dans les sociétés cotées en bourse de l’Union européenne, Directive que je soutiens pleinement.   

Pourquoi doit-on passer par une politique de quotas ? Parce qu’elle a fait ses preuves et que les chiffres le prouvent. L’indice d’égalité de genre de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), publié en 2020, fait état de réelles avancées. Les pays ayant appliqué des quotas ont enregistré la plus forte féminisation des conseils d’administration. Mais il nous faut aller au-delà. En France par exemple, qui est pourtant très avancée sur la question, l’effet de ruissellement que l’on pouvait espérer ne s’est pas produit. Les femmes sont encore les grandes absentes des comités exécutifs (comex) et comités de direction (codir) des entreprises.   

Le Pacte Simone Veil, que nous avons initié avec le groupe Renew Europe et que nous portons au Parlement européen, a pour objectif de tirer vers le haut les droits des femmes, notamment dans le monde du travail. Plus largement encore, nous devons créer les conditions nécessaires pour faciliter la carrière des femmes, conditions qui pourraient se traduire par des mesures favorisant un partage plus équitable des responsabilités familiales au sein du foyer, ou encore une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.   

Ce qui est certain, c’est que nous aurons besoin de tous les talents pour construire la croissance européenne de demain, une croissance verte, numérique et inclusive. Et dans cette équation, nous ne pouvons pas nous « payer le luxe » de nous priver des compétences féminines. Il s’agit non seulement d’un enjeu démocratique et de représentativité, mais aussi d’un enjeu majeur pour le futur de notre économie.  

Stéphanie Yon-Courtin