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Ouest-France - POINT DE VUE. « Et si on utilisait notre épargne pour l’Europe ? » - 03/04/2025

POINT DE VUE. « Et si on utilisait notre épargne pour l’Europe ? »
Des priorités qui s’accumulent et des besoins de financement tous azimuts ? Députée européenne (Renew), Stéphanie Yon-Courtin observe que «300 milliards d’euros d’épargne européenne sont investis hors du continent, principalement aux États-Unis.» Et si les Européens les utilisaient pour eux-mêmes ?
« L’Europe est à un moment décisif. Entre la transition écologique, numérique et le renforcement de notre défense, les besoins de financement explosent. Avec son nouveau plan de réarmement, Bruxelles mise sur l’investissement des États, qui dépend toutefois de leurs capacités budgétaires. Alors que l’argent public se raréfie : mobilisons maintenant l’épargne européenne endormie sur nos comptes !
Depuis 10 ans, l’Europe des capitaux patine faute d’un véritable marché financier unifié où les citoyens pourraient trouver les mêmes opportunités partout. Si vous êtes français et que vous partez travailler en Espagne, impossible de gérer votre épargne aussi facilement qu’une chambre d’hôtel. C’est paradoxal : l’Europe a un marché unique, mais notre argent est toujours enfermé dans des barrières nationales.
Cette situation pénalise notre porte-monnaie et notre souveraineté économique. 300 milliards d’euros d’épargne européenne sont investis hors du continent, principalement aux États-Unis. L’Europe ne peut plus financer l’innovation américaine pendant que nos entreprises peinent à trouver des capitaux ! Aux États-Unis, ces 15 dernières années, la richesse des ménages a progressé trois fois plus vite que celle des Européens. La raison : 70 % de leur épargne est investie, contre 30 % en Europe.
En France, l’épargne est principalement placée dans des produits de court terme et/ou sécurisés (Livret A, livret de développement durable et solidaire), offrant des rendements faibles. Or, pour financer l’économie européenne et l’innovation, il est nécessaire de favoriser des produits d’épargne investis sur le long terme, tels que le plan d’épargne retraite (PER) ou l’épargne salariale, certes plus risqués mais plus rentables, et qui représentent aujourd’hui moins de 10 % de l’épargne française.
L'exemple des pays nordiques
En Suède, 80 % des citoyens investissent dans l’économie réelle contre seulement 40 % dans d’autres pays européens. Lorsque les produits d’investissement sont simples et défiscalisés, les particuliers investissent sur le long terme et renforcent ainsi leur pouvoir d’achat. La retraite par capitalisation, à travers le PER, apparaît comme une solution complémentaire pour garantir des retraites décentes face au vieillissement de la population qui touche tous les États.
Le véritable obstacle, c’est que chaque pays fait cavalier seul, privant ses citoyens de produits attractifs et comparables dans d’autres États. C’est pourquoi, la Commission européenne a dévoilé sa stratégie pour l’Union de l’Épargne et de l’Investissement afin d’étendre les meilleures pratiques nationales à l’échelle européenne. En suivant l’exemple des pays nordiques, l’Europe pourrait injecter jusqu’à 8 000 milliards d’euros dans l’économie réelle et stimuler sa croissance.
Mais les citoyens doivent être équipés pour utiliser efficacement ces nouvelles possibilités d’investissement. Aujourd’hui, un Européen sur deux manque de connaissances financières : un frein majeur à l’investissement. L’Europe agit déjà avec la stratégie d’investissement de détail, un texte que je négocie actuellement au Parlement européen qui pose les bases d’une véritable culture financière adaptée au numérique. Si la digitalisation peut renforcer l’éducation financière et permettre à la nouvelle génération d’investir, l’encadrement des influenceurs financiers reste essentiel pour lutter contre les arnaques en ligne.
Reconnectons l’Europe à l’investissement : notre pouvoir d’achat, nos entreprises et notre économie en ont besoin ! »
Stéphanie Yon-Courtin est Députée européenne membre du groupe Renew Europe, Conseillère régionale de Normandie, Vice-présidente de la commission de la pêche, Coordinatrice de la commission des Affaires économiques et monétaires.