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Euractiv I Green Deal : Emmanuel Macron demande une « pause réglementaire » pour l’industrie

Jeudi (11 mai), Emmanuel Macron a demandé une « pause réglementaire » pour faciliter la digestion des normes du Green deal européen par l’industrie. Entre incompréhensions et craintes, l’expression a créé des remous chez les observateurs et les élus européens.

Devant un parterre d’industriels réunis à l’Élysée, le président de la République Emmanuel Macron a présenté jeudi (11 mai) les piliers de la future loi « industrie verte » française. 

 Le texte sera présenté en début de semaine prochaine en conseil des ministres et vise à relancer l’industrie – une industrie décarbonée – en France, en droite ligne avec les objectifs européens de réindustrialisation. 

 Depuis quelques mois, l’UE tente de réagir face à ses problématiques d’approvisionnement et d’autonomie en ressources, révélées par la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et le programme de subventions des entreprises et technologies américaines (Inflation Reduction Act). Par la même, l’UE cherche à atteindre la neutralité carbone en 2050. 

 Pour cela, elle mise sur la conclusion d’un certain nombre de textes législatifs regroupés sous la houlette du « Green Deal ».  

 Certains textes du paquet législatif sont déjà en application, tandis que d’autres ont à peine atterri sur la table des négociations. Or, pour accélérer les processus industriels et atteindre les objectifs déjà fixés, M. Macron a appelé, jeudi, à « une pause règlementaire européenne » sur les contraintes environnementales. 

 « Nous mettons en œuvre ce que nous avons décidé, mais nous arrêtons d’en rajouter », car, selon le président, « le risque que nous courrons c’est, au fond, d’être les mieux-disants en termes de réglementation et les moins-disants en termes de financement ». 

 En somme, atteindre les objectifs déjà fixés au niveau européen « nécessite une certaine stabilité pour que nos entreprises puissent se projeter », a confié à EURACTIV France le ministre de l’Industrie, Roland Lescure.

Remous à Strasbourg 

 L’expression du président de la République n’a pas manqué de faire réagir les élus européens. 

 Sur Twitter, la co-présidente du groupe de la Gauche unie (GUE) et eurodéputée française, Manon Aubry, a ironisé : « c’est vrai que le réchauffement climatique est réglé, c’est vraiment le moment de faire une pause ». 

 Pour Marie Toussaint, eurodéputée française écologiste (Les Verts/ALE) et membre de la commission Environnement au Parlement européen, le président porte tout simplement « le dernier coup dans le cercueil du Green Deal », déclare-t-elle à EURACTIV France.  

 Suite aux déclarations du président, « les législations en cours » au sein du Green Deal, tels que sur la réduction de l’utilisation des pesticides, la restauration de la nature et la gestion des produits chimiques (REACH) « sont aujourd’hui en danger », a-t-elle ajouté.  

 Une attaque qui n’est « pas fondée », selon Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée française du groupe Renew, affilié à la majorité présidentielle. En réalité, ce serait « juste du bon sens. Continuer ce qui est prévu, mais ne pas en surajouter », souligne-t-elle pour EURACTIV France.  

 Les services de l’Élysée réfutent également les accusations de l’élu écologiste. M. Macron « n’a jamais parlé de moratoire ou d’abrogation des normes actuelles ou en cours de discussion », ont-ils précisé aux journalistes. 

 C’est pourtant bien ce qu’a compris l’eurodéputé français conservateur (Parti populaire européen, PPE — droite), François-Xavier Bellamy. Sur Twitter, l’élu s’est réjoui des propos de M. Macron en rappelant que « depuis des mois, nous exigeons avec le PPE un moratoire législatif pour mettre fin à l’excès des normes qui plombe tous ceux qui produisent et travaillent en Europe ».

Pause règlementaire : kézako ?  

 Face à ces injonctions contradictoires, une « pause règlementaire » est-elle seulement possible ? Qu’est-ce que cela signifie ? 

 « Littéralement, une pause règlementaire ne veut rien dire. Cela dépend de quoi nous parlons », déclare à EURACTIV France Maître Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement. 

 D’un côté, certaines lois ou règlements européens sont effectivement « très mal rédigés et doivent être modifiés dès leur adoption ». De l’autre, la multiplication des règles est inévitable, puisque chaque création d’une nouvelle usine entraîne un nouveau chemin administratif et réglementaire, explique-t-il. 

 Et selon lui, les industriels ne sont pas demandeurs de moins de normes, bien au contraire.  

 « Un industriel a besoin de normes, ne serait-ce que pour évoluer dans un environnement de concurrence équitable », développe-t-il, mais « de norme mieux rédigées et qui changent moins souvent ».  

 En outre, « le projet de loi [industrie verte] est constitué de normes demandées par les industriels », avance-t-il. Le ministère de l’Économie indique en effet que le projet laisse « une large place à la concertation et à la co-construction ». 

 De plus, Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe à l’Institut pour l’économie du climat (I4CE), précise sur Twitter que le président « a parlé d’un grand nombre de choses qui nécessitent davantage de réglementations européennes (batteries, loi sur l’industrie nette zéro, investissements de type ‘crowd-in’) ». 

 En revanche, cela ne répond pas précisemment à la question d’une « pause » spécifiquement sur les contraintes environnementales, à laquelle une partie de l’industrie semble réceptive. 

 « Il faut nous laisser le temps de faire », a en effet abondé le président-directeur général de Renault-Nissan-Mitsubishi, Jean-Dominique Sénard, vendredi matin (12 mai) sur France Inter. 

 « Il faut leur faciliter la vie ». Ainsi, « pendant cinq ans […], arrêtons d’en rajouter [des normes] » a déclaré Roland Lescure jeudi soir sur Franceinfo.

Par Paul Messad

L'article original disponible ici