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Tribune parue dans Les Echos I Monsieur Musk, nous ne vous laisserons pas transformer Twitter en monstre !

Paru le 23/11/2022

Les noms de Samuel Paty ou de Mila nous rappellent l'importance de la modération, prévient Paul Midy. Elon Musk a beau vouloir libérer l'oiseau bleu, il ne pourra pas faire n'importe quoi : le droit européen l'en empêchera. 

Il y a trois semaines, l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, rachetait Twitter pour 44 milliards d'euros. Ce jour-là, il tweetait : « L'oiseau [emblème de Twitter] est libéré. » Libéré de quoi ? D'après lui, le réseau social ne garantirait pas suffisamment la liberté d'expression. 

Cet « oiseau » paraissait pourtant déjà bien libre. Formidable lieu d'échanges, Twitter, ce sont aussi les fake news, le racisme, la misogynie, l'antisémitisme, l'homophobie et les appels à la haine qui pullulent librement. On y accepte tout ce qu'on refuserait dans la vie physique. 

Dès son arrivée, Elon Musk a licencié la moitié des salariés de Twitter, dont une grande partie des équipes de modération : ceux vers qui on pouvait se tourner lorsqu'on était victime de harcèlement, de « revenge porn » ou lorsqu'on croisait des contenus faisant l'apologie du terrorisme. Les noms de Samuel Paty ou de Mila nous rappellent l'importance de la modération. 

Le DSA et le DMA imposent des obligations

Non, le sujet n'est pas de libérer l'oiseau bleu mais d'éviter qu'il se transforme en monstre et de chercher à le faire devenir colombe. En somme, de passer du Far West actuel que sont les réseaux sociaux à des lieux de vie civilisés. 

C'est plus de protection qu'il faut pour nos concitoyens, pas moins de protection. En Europe, nous avons eu cette intuition qui nous a conduits à adopter, en juin 2022, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Ces règlements doivent assurer que ce qui est illégal dans le monde physique soit illégal dans le monde numérique, tout en luttant contre les quasi-monopoles des géants du numérique. 

Avec le DSA, Twitter, Facebook ou TikTok, auront des obligations de modération beaucoup plus fortes : retraits de contenus dans des délais rapides, capacité des usagers à contester les décisions, etc. Les plateformes devront faire la transparence sur leur activité de modération et désigner un représentant légal en Europe. En cas de manquement à leurs obligations, la Commission européenne pourra leur infliger une amende jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial !

Obligation de limiter les « effets de bulle » 

Beaucoup d'autres mesures protectrices sont prévues. Les plateformes auront l'obligation de limiter les « effets de bulle » et elles ne pourront plus s'échanger vos données personnelles sans votre accord. Les plateformes comme Amazon ou Wish auront des obligations supplémentaires, comme la traçabilité des vendeurs et l'information sur les produits interdits en Europe. 

Ces règlements DSA et DMA seront applicables dès 2023, après un passage au Parlement. Ils seront des outils supplémentaires pour que le gouvernement, sous l'égide du ministre du Numérique, Jean-Noël Barrot, continue notre combat pour protéger nos concitoyens dans leur vie en ligne. Et Elon Musk et son nouvel oiseau devront s'y conformer dès l'an prochain. 

Recrutement de cyberpatrouilleurs 

Si ces règlements nous permettent d'avoir un coup d'avance par rapport aux autres continents, ils n'épuisent pas la réflexion que nous devons mener pour rendre notre vie en ligne totalement civilisée. 

Peut-on laisser aux seuls salariés de ces plateformes la charge de la modération ? N'est-ce pas une forme de privatisation de la police dans les mondes numériques ? Le programme d'Emmanuel Macron donne une première réponse en proposant le recrutement de cyberpatrouilleurs pour garantir la sécurité en ligne. Peut-on laisser perdurer le sentiment d'impunité à des personnes se croyant anonymes sur les réseaux sociaux ? Les mondes numériques seraient-ils les seuls lieux où les contrôles d'identité seraient interdits ? Si ces questions ouvrent des débats techniques compliqués, elles doivent être au centre de nos futures réflexions. A défaut, Elon Musk risque d'y répondre avant nous, en 280 caractères sur Twitter. 

Paul Midy est député Renaissance de l'Essonne. 

Avec Valérie Hayer, Stéphanie Yon-Courtin, Sandro Gozi, députés européens Renew.

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