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Le Echos I Rétrocessions : ces centaines de milliards d'euros prélevés sur l'épargne des Européens

Le système des rétrocessions a coûté 350 milliards d'euros aux investisseurs l'an dernier, selon une étude universitaire. 

La fragilité des systèmes publics de retraite et le vieillissement de la population invitent à se pencher sur l'évolution et la qualité de l'épargne privée en Europe. C'est à ce titre que le centre de finance de l'Université de Regensburg, en Allemagne, a étudié l'impact des systèmes de rétrocessions sur la richesse des ménages. 

Toujours en vigueur dans la plupart des pays européens, ces rétrocessions sont des frais versés aux distributeurs de produits d'épargne, qui sont tentés de vendre les fonds d'investissement les plus rémunérateurs pour eux, et pas forcément les plus performants. Ils peuvent représenter la moitié des frais annuels facturés à l'épargnant. 

Selon les conclusions de l'étude universitaire, ce système réduit de 1,7 % à 2 % en moyenne la performance de l'épargne des ménages chaque année. Le manque à gagner pour 2022 a donc été de 350 milliards d'euros pour l'ensemble des pays européens concernés. La facture s'élève à 90 milliards d'euros pour les Allemands, 74 milliards pour les Français et 70 milliards pour les Italiens. 

Moindre performance 

« Sur une période de 40 ans, le niveau de richesse des ménages dans les pays où les rétrocessions ont été abolies double par rapport aux autres », calculent les universitaires. Cinq pays européens ont décidé d'interdire les rétrocessions ces dernières années, dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas depuis 2013. 

Ces chiffres prennent en compte à la fois les frais imputés aux investisseurs et la contre-performance des produits vendus. Par exemple en France, selon les calculs de GoodValueforMoney, seuls 1,6 % des fonds d'investissement conseillés via l'assurance-vie sont des fonds indiciels cotés (ETF) à bas coût. Or les ETF vendus en direct affichent des frais annuels moyens de 0,25 % contre 2,9 % pour les fonds classiques commercialisés dans le cadre des assurances-vie, pour une performance de 49 % sur 5 ans à fin 2022, contre 0,8 %. 

Secteur préservé 

Malgré les velléités de la Commissaire européenne Mairead McGuinness, une interdiction des rétrocessions en Europe n'est plus à l'ordre du jour. « Cela reviendrait à confier les clés du camion aux distributeurs de produits d'épargne américains et déstabiliserait toute l'industrie de la gestion d'actifs européenne », estime la députée Stéphanie Yon-Courtin, rapporteur principal de la directive « retail investment strategy » sur la protection des épargnants. 

Il est vrai que cette abolition conduirait à un transfert de richesse vers les particuliers au détriment de l'industrie, qui serait amenée à repenser entièrement son organisation. « Mais l'expérience du Royaume-Uni et des Pays-Bas est très rassurante ; le nombre d'employés du secteur a augmenté dans un cas, et stagné dans l'autre », souligne Steffen Sebastian, professeur à l'Université de Regensburg.

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