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Midi Libre I Adhésion de la Croatie, futurs élargissements... jusqu'où l’euro va-t-il poursuivre sa conquête du continent ?
Paru le 08/01/2023
Dossier réalisé par Ollivier Le Ny
Ce 1er janvier 2023, la Croatie est devenue le vingtième des vingt-sept pays de l’Union européenne à adopter la monnaie unique instaurée en 2001. Une décision dans la logique de son intégration économique déjà très avancée, qui anticipe celles de la Bulgarie et de la Roumanie et illustre la confiance de l’Europe en sa devise.
C’est une construction plusieurs fois secouée, encore imparfaite, qui a essuyé quelques coups de tabac. « La crise financière de 2008 ; la crise de la dette de la zone euro de 2012, qui a fragilisé l’union monétaire dans son ensemble. Le Covid-19, aujourd’hui la guerre en Ukraine et les tensions sur l’énergie », liste Clémentine Gallès, cheffe économiste à Société Générale Private Banking. Mais elle grandit, rapproche toujours plus les nations européennes, désormais vingt à utiliser l’euro, depuis le ralliement de la Croatie.
Croatie : étape n°2 d’une intégration
« J’ai été surpris par la tranquillité, la confiance des Croates. Même s’il y a des critiques de temps en temps, ils ont une opinion globalement favorable à l’Europe », glisse Zdravko Cerovicki, ancien chef d’entreprise, président de Croatie-Occitanie, une des associations de la diaspora du pays balkanique en France. Le 1er janvier, dix ans après son entrée dans l’Union européenne, Zagreb a renoncé à sa kuna et embrassé l’euro.
« C’est une économie qui l’utilisait largement dans les transactions économiques et financières, relève Violaine Faubert, économiste à la Banque de France. Importations et exportations étaient principalement libellées en euro, la zone euro était déjà son premier partenaire commercial. » La dette de l’État comme celles des entreprises et des particuliers était aussi majoritairement exprimée dans la monnaie européenne.
« Nombre d’achats de biens d’équipements et immobiliers, les Croates les faisaient en euro après avoir d’abord utilisé le mark après l’indépendance », note Zdravko Cerovicki.
Quels bénéfices au plan économique ?
Lui-même, ses concitoyens en voyage, les sociétés commerçant avec des partenaires de la zone euro n’ont plus à changer leur monnaie et à en supporter le coût.
« Toute transaction libellée en euros, reprend Florian Le Gallo, économiste, coauteur d’une note avec Violaine Faubert, induisait une incertitude et donc des coûts pour se couvrir contre les fluctuations éventuelles du taux de change kuna-euro. Cela disparaît avec la monnaie unique et réduit les coûts de financement pour les ménages et entreprises ». Au-delà, pointe sa collègue, l’accès au marché européen leur sera facilité.
Aujourd’hui enseignant à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) et chercheur à l’institut Jacques-Delors après une carrière d’économiste à la Banque de France, via la Commission européenne et le FMI, Pierre Jaillet indique que la Croatie accède « à des conditions de financement particulièrement favorables. À dix ans, elle se finance à 3,4 % contre 5,2 % pour la République tchèque et 9 % pour la Hongrie. Son entrée dans le mécanisme européen de stabilité lui offre un filet de sécurité en cas de graves difficultés et la disparition des opérations de change est un atout supplémentaire en termes d’attractivité touristique ». Cette activité pèse 20 % de son PIB, le plus modeste de l’Union, 0,5 % du PIB européen.
Les enjeux politiques de l’élargissement
Les efforts de la Croatie pour satisfaire aux critères d’entrée dans l’union monétaire, « législatifs – indépendance de la banque centrale… – et économiques – stabilité des changes et des prix, finances publiques… », cite Florian Le Gallo, montrent que « l’euro reste attractif, c’est toujours positif de pouvoir l’afficher », dit Clémentine Gallès.
« Cette adhésion permet de poursuivre l’intégration européenne, renforce le cadre existant, affirme la députée Stéphanie Yon-Courtin, membre de la commission des affaires monétaires du Parlement européen. Elle offre aussi un meilleur équilibre géographique et politique entre États membres », avec cet élargissement à l’est.
L’euro réduit-il les écarts entre pays ? Rapprocher les économies, réduire la pauvreté, tirer l’ensemble de l’Europe vers le haut, diminuer les écarts de niveaux de vie. Ce « rattrapage structurel des économies est le grand défi. Or, juge Pierre Jaillet , il n’y a plus de convergence dans la zone euro, la dynamique s’est interrompue. Elle demeure pour certains pays, mais on est davantage entré dans une logique de divergence », notamment « entre les grandes économies de la zone ». Et les États du Sud sont en difficulté.
Précédents entrants dans l’euro, les pays Baltes se sont cependant « très bien débrouillés, avec une croissance de 3 % contre 2 % en moyenne pour la zone euro depuis 2014 ». La Lituanie est ainsi passée d’un PIB par habitant égal à 70 % du PIB moyen de la zone euro, à 90 % de celui-ci en neuf ans. La Croatie saura-t-elle s’inscrire dans ce mouvement, alors que sa croissance est aujourd’hui jugée faible ? « Il ne faut pas que les gains à court terme considérables pour la Croatie se changent à moyen, long termes en frein à son développement ». L’euro est un outil d’attractivité de plus pour la Croatie, où le tourisme représente 20 % du PIB.