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Euractiv I Les débats sur le budget 2024 reflètent ceux qui font rage à Bruxelles
Plusieurs impératifs
L’urgence est donc à la réduction des dépenses publiques : jusqu’à 16 milliards d’économies devraient être actées dans le PLF 2024 lors de sa présentation mercredi – en passant notamment par la suppression du bouclier tarifaire, mis en œuvre en 2022 pour accompagner les ménages tout au long de la crise énergétique qui a secoué l’Europe depuis l’invasion russe en Ukraine.
En outre, l’exécutif tente de résoudre une tension entre désendettement et soutien à l’investissement dans la transition écologique, outil indispensable à toute décarbonation de l’économie française.
« Le gouvernement est coincé entre plusieurs impératifs : ne pas faire exploser la dette publique tout en soutenant le pouvoir d’achat et en faisant le pari de la transition écologique », explique Sylvain Bersinger, chef économiste au cabinet de conseil économique Asterès, à Euractiv.
Afin d’éviter la colère de la rue, sans non plus tenir un discours d’austérité, le gouvernement est contraint d’adopter une « stratégie de petits pas » : « ce n’est ni un choc d’austérité comme le voudrait le gouvernement allemand, ni un choc de la dépense comme le voudrait l’opposition politique », précise l’économiste.
Changer les règles
Définir un plan d’action budgétaire qui soutienne aussi bien le désendettement que l’investissement n’est pas qu’un problème français. En effet, les débats font aussi rage au niveau européen pour adopter des règles budgétaires adaptées aux grandes crises du 21ème siècle.
« Il est indispensable de reconnaître que le monde a changé », affirme à Euractiv la députée européenne Renew (centre) Stéphanie Yon Courtin.
Pour elle, une nouvelle approche européenne vis-à-vis de la dette publique doit primer : moins contraignante pour les États membres, plus spécifique aux besoins de chacun et donnant des marges de manœuvre supplémentaires afin de permettre des investissements de taille dans la transition verte.
Jusqu’à présent – et ce depuis le Traité de Maastricht de 1992 – tout État membre dépassant les 3 % de déficit annuel ou les 60 % de dette publique devait s’engager à prendre les mesures nécessaires pour redresser ses comptes publics.
Des règles jugées par autant d’experts que de responsables politiques comme trop rigide et de nature austéritaire. En outre, les sanctions assorties à des dettes et déficits excessifs ne faisaient que renforcer les crises budgétaires des pays concernés.
« La pandémie puis l’inflation des deux dernières années sont la preuve que les règles budgétaires européennes ne sont plus adaptées », explique Mme Yon Courtin.
En avril, la Commission européenne présentait donc une proposition de réforme. Elle reconnaissait la double nécessité de dépenses publiques viables partout en Europe et d’investissements massifs dans la transition écologique et digitale.
Aussi, et contrairement aux règles passées, la réforme doit rendre les plans de réduction de dette spécifiques à chaque pays membre en fonction de leurs besoins et permettre un dialogue direct entre les États membres et la Commission européenne.
Si le plafond des 3 % de déficit reste intact, les 60 % de dette publique n’existent plus qu’à titre indicatif.
« En-même-temps réussi »
La proposition de réforme a été amplement soutenue par la France, qui en a été l’un des principaux architectes. « La philosophie que la France a portée au niveau européen, elle l’applique dans son budget 2024 » en créant les conditions d’un « désendettement vert », décrypte Valérie Hayer, députée européenne Renew, pour Euractiv.
Si l’équilibre entre réduction de la dette et investissements massifs est « difficile à trouver », il n’en est pas moins « réalisable », explique-t-elle, affirmant que « l’impératif de désendettement n’est pas supérieur à celui de l’investissement vert » dans les plans budgétaires français.
Elle en veut pour preuve l’annonce par la Première ministre Elisabeth Borne la semaine dernière d’octroyer sept milliards d’euros supplémentaires pour la transition écologique en 2024 pour atteindre la somme historique de 40 milliards d’euros, ou encore le dévoilement lundi (25 septembre) par Emmanuel Macron de son « agenda pour la planification écologique ».
« Ce n’est pas par hasard que la planification écologique arrive deux jours avant le PLF : c’est très habile de la part d’Emmanuel Macron et du gouvernement, qui met tout le monde devant ses responsabilités », abonde Mme Yon-Courtin, qui n’hésite pas à parler d’un « en-même-temps réussi ».
Excès de zèle
Mais les débats européens sont loin d’être clos : l’Allemagne, craignant que la réforme proposée ne soit trop laxiste, a convaincu la Commission d’ajouter une série de « critères de référence communs » (« common benchmarks ») quantitatifs, applicables de manière uniforme à tous les pays dont la dette serait jugée excessive.
Les critères incluent une réduction minimale du déficit à hauteur de 0,5 % du PIB par an, mais uniquement pour les pays dont le déficit annuel dépasse la limite de 3 % fixée dans les traités. Les États membres auront également une obligation de résultat dans leurs programmes de réduction de dette.
Un ajout qui ne plaît pas aux Français, qui y voient le retour de politiques d’austérité : « Il faut qu’il y ait une différenciation des trajectoires pour chaque Etat membre », explique Stéphanie Yon-Courtin, qui appelle l’UE à faire preuve de « réalisme ».
Un rapport publié la semaine dernière par Bruegel, un think tank, affirmait que la réforme, critères numériques inclus, pourrait contraindre la France à faire des économies de l’ordre de 30 milliards d’euros par an.
Quant à l’opposition, elle rejette aussi bien les intentions du PLF 2024 que la proposition de réforme européenne.
Ces nouvelles règles, même sans les « critères » allemands, représentent « d’abord davantage de sanctions pour tous les États qui ne respectent pas la trajectoire des 3 % de déficit et 60 % de dette », lance Manon Aubry à Euractiv.
L’eurodéputé de La France insoumise et coprésidente du groupe de La Gauche au Parlement européen voit dans le PLF 2024 un excès de zèle de la part de Paris. « Non seulement ces nouvelles règles sont une injonction bruxelloise, mais M. Macron ne se bat pas au niveau européen pour en sortir. Or, ce sont des règles absurdes économiquement et dangereuses pour la vie des gens et qui pourrait se traduire par une des plus des pires cures d’austérité que nos Etats ont connues depuis longtemps ».