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Le Figaro - Le gouvernement relance l’épineux dossier de l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans - 12/05/2025

Le gouvernement relance l’épineux dossier de l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans

Emmanuel Macron a abordé la question des écrans chez les mineurs lors de son interview sur TF1 mardi soir, alors que la loi sur la majorité numérique a été retoquée par la Commission en 2023. 

«Il faut protéger les enfants des réseaux sociaux et je suis favorable à ce que nos jeunes enfants soient protégés sous l’âge de 15 ans, avec une vérification de l’âge», a déclaré Emmanuel Macron lors de son entretien sur TF1, mardi soir. « Trois enfants sur quatre dispose d’un compte sur les réseaux sociaux avant l’âge de 13 ans, c’est inadmissible», selon Clara Chappaz , qui inaugure ce mardi dans une école de Bondy (Seine-Saint-Denis) l’opération « 10 jours sans écrans », part en croisade. La ministre déléguée chargée du Numérique veut imposer aux plateformes un contrôle de l’âge de leurs utilisateurs pour barrer la route aux moins de 15 ans. Ce n’est pas une première. La dernière tentative en date a été vaine. Votée à l’été 2023, la loi Marcangeli, qui visait à instaurer une majorité numérique (15 ans) , n’est jamais entrée en vigueur faute de décrets d’application. Il faut dire que le texte avait été retoqué par Bruxelles en octobre 2023 car il fragmentait la régulation européenne du numérique (DSA), chacun des Vingt-Sept risquant ensuite de choisir sa propre limite d’âge…

Le gouvernement a tiré les leçons du passé. Son objectif est désormais de renforcer le DSA, en particulier les lignes directrices de l’article 28 consacré à la protection des mineurs. « La protection des enfants en ligne n’est pas une option, c’est une obligation. Je me donne trois mois pour convaincre mes homologues européens de faire de la vérification de l’âge un impératif », prévient Clara Chappaz dans un entretien au Figaro. « En matière de numérique, la seule réponse ne peut être qu’européenne, réagit la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin. Nous ne pouvons nous permettre d’avoir des solutions disparates qui risquent de contrevenir au DSA ». « Si la France veut être moteur sur la vérification de l’âge, elle ne peut agir de façon isolée », renchérit Justine Atlan, présidente de l’association e-Enfance, qui participe aux discussions du gouvernement.

Pour parvenir à ses fins, la ministre souhaite créer une coalition avec l’Espagne, la Grèce et l’Irlande. Elle a rencontré, vendredi à Dublin, son homologue irlandaise avec laquelle elle constate un « véritable alignement sur la protection des enfants en ligne » et la nécessité « d’aller plus loin que le DSA ». Si elle ne parvenait à ses fins auprès de Bruxelles d’ici à la rentrée, ce serait à la France de « prendre ses responsabilités », confiait-elle à La Tribune Dimanche. « Nous étudierons toutes les pistes au niveau du droit national », indique-t-elle au Figaro.

En attendant, les lignes semblent bouger. L’enjeu du contrôle de l’âge a été abordé au début du mois lors d’une réunion organisée par le ministère en présence des plateformes et des associations. « On est enfin sortis du déni, se félicite Clara Chappaz qui reconnaît avoir eu une “discussion franche” avec les géants de la tech. Pas une seule plateforme ne nie aujourd’hui qu’il y a un vrai sujet. Changer sa date de naissance est à la portée de tous ! Si nous ne sommes pas tous d’accord sur l’âge limite, il y a un consensus pour reconnaître qu’il faut instaurer de vrais mécanismes de vérification. » 

«Responsabilité des plateformes»

« La société est arrivée à un niveau de maturité sur ces sujets, renchérit Justine Atlan. Les parents sont inquiets pour leurs enfants et sont eux-mêmes confrontés à une saturation de leurs usages numériques. La santé mentale a été élevée au rang de cause nationale. Des cas de mise en cause de l’impact des réseaux sociaux sont portés devant la justice. Enfin, il y a le précédent des sites pornographiques, désormais bloqués s’ils ne mettent pas en place un système de vérification d’âge. L’étau se resserre autour des plateformes. »

Cela n’empêche pas certains acteurs du numérique de crier à l’impuissance. « Quand on est une plateforme qui fait du business sur les données, c’est trop facile de dire que c’est difficile techniquement ou que c’est la responsabilité des familles ou de l’école, répond Clara Chappaz. C’est bien à elles de mettre des lignes rouges. »

Reste que les géants de la tech n’hésitent pas à se renvoyer la balle. Meta estime que la vérification de l’âge doit se faire au niveau des magasins d’application , c’est-à-dire du côté de Google et d’Apple. « Instagram demande à l’UE une réglementation exigeant la vérification de l’âge et un accord parental sur l’App store » : la dernière campagne du groupe Meta n’est pas passée inaperçue, inondant les médias et les transports. De son côté, Google martèle que ce contrôle doit être effectué par les applis, au moment de la création d’un nouveau compte. « On ne peut pas faire du ping-pong sur la protection des mineurs, lâche Clara Chappaz. C’est la responsabilité de toutes les plateformes. »

Pour couper court à ce débat, la France va expérimenter dans les prochains mois, avec l’Italie et le Danemak, une solution pilote européenne de vérification de l’âge sous l’égide de Bruxelles. En clair, la Commission fournira une « brique technique commune » à partir de laquelle pourront se brancher des solutions de vérification de l’âge conçues par des acteurs publics et privés (France Connect, La Poste…). « Avec ces solutions validées par l’Europe, nous pourrons dire aux plateformes : “Vous n’avez plus d’excuses !” », déclare Clara Chappaz.