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Le Figaro I Charles Michel sous le feu des critiques
Le départ anticipé du président du Conseil européen est décrié à Bruxelles et dans d'autres capitales de l'UE.
EUROPE Charles Michel était, cette semaine, le grand absent de la session plénière du Parlement de Strasbourg. En raison d'une « lombalgie aiguë », le président du Conseil européen n'a pu se rendre sur place. Il devait y présenter les résultats du dernier sommet, celui de décembre, qui a vu le premier ministre hongrois Viktor Orban bloquer les 50 milliards d'euros promis par l'Union européenne (UE) à l'Ukraine. Surtout, les eurodéputés attendaient ses explications sur son départ anticipé du Conseil européen.
L'ex-premier ministre belge a annoncé en début d'année qu'il serait chef de file de son parti (le MR) aux élections européennes du 9 juin 2024 et serait donc contraint de quitter ses fonctions actuelles au plus tard mi-juillet, alors que son mandat de président du Conseil européen doit s'achever le 30 novembre 2024. « J'ai commencé à esquisser un certain nombre de pistes pour les réformes de l'UE qui seront nécessaires pour qu'elle soit plus efficace. Je souhaite faire partie de l'équipe des bâtisseurs du projet européen, je pose ma candidature pour continuer à le servir », a-t-il justifié dans Le Soir, présentant sa décision comme « un acte de foi en la démocratie ». Dans son entourage, on fait aussi valoir qu'on ne peut à la fois nommer des dirigeants jeunes et ne pas les voir préparer la suite de leur carrière quand approche la fin de leur mandat. Charles Michel, 49 ans, aurait notamment cherché à se recaser à la Banque européenne d'investissement et aux Nations unies. Il s'est finalement rabattu sur Strasbourg.
Risque « d'instabilité »
L'annonce de ce départ anticipé est très mal passée, y compris au sein de sa propre famille politique Renew, celle où siègent aussi les macronistes. « Son choix démontre une absence de stratégie et de perspective », glisse la Française Stéphanie Yon-Courtin. « Tout le monde se demande ce qu'il a derrière la tête et beaucoup pensent qu'il vise la présidence du Parlement européen, glisse un autre membre du groupe. C'est une élection à bulletins secrets. S'il se présente, Charles Michel n'aura pas la majorité. » Son compatriote, le premier ministre libéral flamand Alexander De Croo, également membre de Renew, venu cette semaine à Strasbourg pour présenter les priorités de la présidence belge, a eu, mardi, un aperçu de l'état d'esprit des eurodéputés. « Je ne suis pas ici pour évoquer Charles Michel, qui est une honte pour la Belgique et pour l'Union européenne », a signifié Gerolf Annemans, membre du Vlaams Belang.
Même s'il n'est pas question de s'aligner sur la rhétorique du parti flamand d'extrême droite, la consternation est la même à Bruxelles et dans les capitales. Et les critiques ne faiblissent pas. Elles portent sur la forme d'abord. Alors qu'il est censé travailler main dans la main avec les Vingt-Sept, Charles Michel n'aurait prévenu directement que quelques leaders, dont Emmanuel Macron, avec lequel il s'est entretenu par téléphone. Quid des autres dirigeants ? Ils ont été informés par leur sherpa respectif, mis dans la confidence par Frédéric Bernard, le chef de cabinet de l'intéressé. « J'ai eu une réunion la semaine dernière avec le gouvernement de mon pays. Ils sont vraiment surpris de le voir quitter le navire à un moment aussi difficile pour l'UE » , confie un diplomate européen.
Le départ anticipé de Charles Michel pose surtout des questions de fond. En procédant de la sorte, l'intéressé, auquel il est reproché de ne pas avoir brillé depuis quatre ans, risque de fragiliser un peu plus la fonction qu'il occupe, à un moment où l'UE doit faire son introspection et envisager de se réformer dans la perspective des élargissements futurs. Selon un diplomate, son départ anticipé pourrait donner du grain à moudre à « ceux qui se demandent si on a vraiment besoin d'un président de Conseil européen ». En tête, les Allemands, qui n'ont jamais totalement adhéré à cette fonction imaginée par Valéry Giscard d'Estaing et qui ne correspond pas à leur modèle de gouvernance. Autre question : l'ex-premier ministre belge peut-il mener une campagne électorale tout en restant président du Conseil européen ? « Charles Michel, c'est «Je pense à la suite mais je ne me retire pas» », ironise un diplomate européen. Surtout, alors que la Hongrie prendra le relais de la Belgique mi-2024, certains redoutent de devoir « donner les clés du camion à Orban », selon la formule d'un eurodéputé. Les traités prévoient que le dirigeant du pays exerçant la présidence tournante prenne la présidence du Conseil européen au cas où ce poste viendrait à être vacant. Manfred Weber, le chef de file du PPE à Strasbourg, pointe un risque « d'instabilité du côté du Conseil » et « un possible transfert du pouvoir décisionnel à la présidence hongroise ». À l'inverse, beaucoup voient dans la question hongroise un faux sujet. Les Vingt-Sept auront plus d'un mois pour se mettre d'accord sur les « top jobs » après les européennes de juin. Deux rendez-vous sont déjà programmés : une réunion informelle le 17 juin et un sommet les 28 et 29 juin. Si aucun accord ne se dégage, un autre pourrait être convoqué début juillet.
« J'ai eu une réunion la semaine dernière avec le gouvernement de mon pays. Ils sont vraiment surpris de voir Charles Michel quitter le navire à un moment aussi difficile pour l'UE». Un diplomate européen.
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