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Les Echos.fr-Réseaux sociaux : le débat fait rage sur la vérification de l'âge entre Meta, Google et Apple-20/06/2025

Les réseaux sociaux et les boutiques d'applications se renvoient dos à dos la responsabilité de vérifier l'âge de leurs jeunes utilisateurs. L'Europe a déjà choisi et ce seront les premiers qui le feront. Les app stores ne restent pas les bras croisés.
C'est un jeu de balle au camp au sommet. Depuis plus d'un mois, les coups fusent entre les géants du numérique. Meta, Apple, Google, tour à tour, se renvoient la responsabilité sur une épineuse question : qui doit vérifier l'âge des utilisateurs mineurs ?
Si la « big tech » se tend, c'est que le ton monte. Début juillet, la Commission européenne doit planter deux nouveaux jalons : la présentation d'une application pour certifier son âge, en attendant le portefeuille numérique européen fin 2026 ; même si, alerte l'eurodéputée Renew Stéphanie Yon-Courtin, « il tapera à côté, car il ne s'appliquera que sur la base du volontariat, et à partir de 18 ans ».
D'ici là, la Commission s'apprête surtout à publier en juillet les lignes directrices du DSA (le règlement sur les services numériques). Elles dicteront aux grandes plateformes (plus de 45 millions d'utilisateurs) leurs nouvelles obligations sur la protection des mineurs.
« Manque d'ambition »
Elles seront alors tenues de mettre en place des mécanismes fiables de vérification de l'âge afin de limiter l'exposition des mineurs à certains contenus. Elles pourront, sinon, être jugés non conformes au DSA et à son article 28.
Las, ces recommandations, pointe l'élue, ne seront pas juridiquement contraignantes, et manquent d'ambition, car elles se focalisent uniquement sur la vente d'alcool, les jeux d'argent et le porno, alors que les réseaux concentrent bien d'autres griefs, tous documentés : cyberharcèlement, contenus violents, haine en ligne, fake news, impact négatif sur la santé mentale.
En France, Emmanuel Macron est monté au filet après le meurtre d'une surveillante par un adolescent : il appelle de nouveau, comme la ministre déléguée au Numérique et à l'IA Clara Chappaz, à une interdiction des réseaux avant 15 ans plutôt que 13. Mais l'Europe et l'Hexagone restent en désaccord sur la majorité numérique « et les Gafam profitent de cette fragmentation », déplore Stéphanie Yon-Courtin.
Meta et Snap raccords
Face à la pression et aux divisions, depuis des semaines, Meta placarde la presse pour demander à l'UE de réorienter la vérification de l'âge (au titre du DSA) sur les magasins d'applications comme ceux de Google et Apple. Selon Meta, c'est plus puissant et plus simple à gérer pour les parents, dont les ados utilisent en moyenne 44 applis.
Snapchat, l'appli préférée des jeunes, abonde. « C'est un problème d'industrie. Le plus simple est de passer par une vérification unique, et donc les app stores, et cela réduit le risque de fuite, car on ne va pas partager ses données à une multitude d'acteurs », plaide auprès des « Echos » Grégory Gazagne, le patron de Snap France.
Tiktok abonné absent.
TikTok, l'autre appli fétiche des ados, est moins diserte ; sollicitée, elle n'a pas donné suite. Le réseau chinois marche sur des oeufs depuis des mois : il reste menacé d'expulsion aux Etats-Unis, sous le coup d'une enquête en Europe après le scandale de la présidentielle roumaine, et sur le gril d'une commission d'enquête sur ses effets psychologiques sur les mineurs en France.
Pour certains, il y a un match dans le match et la stratégie de Meta n'est pas dénuée d'arrière-pensées. Une vérification parentale imposée au niveau des stores pénaliserait d'abord TikTok, dont l'audience repose surtout sur les adolescents - plus que Facebook, marginal chez les jeunes.
Le contre d'Apple et Google
Interpellé, Apple se devait d'agir, a minima pour son image. L'entreprise a donc dégainé de nouveaux outils : une configuration simplifiée des comptes enfants avec des réglages sûrs dès le premier usage, un partage encadré de la tranche d'âge avec les apps pour adapter les contenus sans exposer de données sensibles, et des protections renforcées pour les 13-17 ans, incluant filtres web, sécurité des communications (filtrage de la nudité en direct dans les appels vidéo FaceTime) et de nouveaux classements par âge sur l'App Store. Avec ça, la firme estime avoir fait sa part.
Vingt ans après l'arrivée des réseaux sociaux, on ne fait que constater les dégâts sur la santé mentale Cyril di Palma, Délégué général de Génération Numérique
Trois jours après, Google, qui édite l'autre grand magasin d'applications, dans un autre style, lâchait ses coups. La proposition de Meta de contrôler l'âge sur les app stores est « trompeuse », attaquait Kate Charlet, la directrice mondiale de la vie privée. Cela conduirait les développeurs à « se soustraire à leurs responsabilités », tout en leur confiant « des données dont ils n'ont pas besoin », et omettrait l'accès depuis l'ordinateur familial.
Au-delà des mots acerbes, Google n'est pas non plus resté les bras croisés. Le 5 juin, il déployait Credential Manager, une interface (API) permettant aux applis Android de demander une preuve d'âge de manière sécurisée.
Et les opérateurs télécoms ?
Dans les associations de l'enfance, comme Génération numérique, ce renvoi dos à dos des responsabilités ne passe plus. « Vingt ans après l'arrivée des réseaux sociaux, on ne fait que constater les dégâts sur la santé mentale », tempête Cyril di Palma, son délégué général, qui constate une impuissance à agir, et en appelle à une action politique.
Il demande aussi du discernement. « Il faut contrôler l'âge à tous les niveaux, mais pas non plus étouffer les petits développeurs d'applications qui doivent se conformer à d'autres règles, alors que les app stores en ont les moyens », appelle-t-il. Quitte à remonter un cran plus haut, il souligne que tous les opérateurs télécoms ont déjà des abonnements pour mineurs. Un autre filtre en perspective ?