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LE MONDE.fr-« Pour protéger les plus jeunes sur les réseaux, établissons en Europe l’âge de la majorité numérique à 15 ans »-14/06/2025

Les vérifications d’âge afin de créer un compte en ligne sont aisément contournées, au risque d’exposer les adolescents à des contenus toxiques. Pour contraindre les plateformes à s’en préoccuper, les eurodéputés de la coalition présidentielle défendent, dans une tribune au « Monde », une mesure à l’échelle européenne.

Quatre heures par jour : c’est le temps qu’un adolescent passe, en moyenne, sur Internet et les réseaux sociaux tels que TikTok ou Instagram. L’usage des réseaux sociaux, et plus largement du numérique, est désormais intégré au plus profond de notre société. Sources d’information illimitées, fenêtres sur le monde, ces plateformes peuvent aussi offrir de puissants outils permettant aux adolescents de briser des tabous et d’encourager une meilleure estime de soi.

Mais les risques sont là, nombreux et insidieux, aux conséquences destructrices pour une jeunesse qui se construit, qui s’émancipe. Nous – responsables politiques, acteurs numériques mais aussi parents – avons la responsabilité collective d’offrir aux plus jeunes un développement exempt d’interférences néfastes pour leur santé et leur esprit critique. Et nous, députés européens du camp présidentiel, avons l’intime conviction que l’Europe peut et doit protéger efficacement nos enfants des dérives orchestrées par les plateformes et leurs algorithmes.

Anxiété. Troubles du sommeil. Troubles du comportement alimentaire. Mutilations. Troubles de la concentration. Addiction aux écrans. Haine de l’autre. Désinformation. Cyberharcèlement. Exposition à des contenus pornographiques. Pédocriminalité. La liste des risques et des effets pernicieux et destructeurs des réseaux sociaux sur les plus jeunes est aussi longue qu’alarmante. Leurs conséquences sont dramatiques et peuvent mener au pire, comme au suicide. Cela doit nous interroger, toutes et tous : quelle société voulons-nous pour nos enfants et les adultes qu’ils deviendront ?

Certainement pas une société où la maigreur absolue et maladive est prônée à coups de « trend » sur TikTok. Certainement pas une société où des contenus masculinistes prolifèrent et s’attaquent à la liberté et à la sécurité des filles et des femmes. Certainement pas une société où le cyberharcèlement prospère et multiplie le nombre de victimes. Certainement pas une société où la haine de l’autre et la violence deviennent la règle, et la tolérance, l’exception. Certainement pas une société où la pédocriminalité détruit la vie de nos enfants. Certainement pas une société où les faits sont défaits par la désinformation massive et les ingérences étrangères. Certainement pas une société où la santé mentale et physique des plus jeunes est aspirée pas à pas, sournoisement, par les écrans.

Les plateformes face à leurs responsabilités

Gardons ceci à l’esprit : 75 % des jeunes de 11-12 ans utilisent régulièrement les réseaux sociaux et la première inscription sur de telles plateformes intervient à 8 ans en moyenne.

C’est individuellement et collectivement que nous devons reconnaître qu’il est nécessaire d’avoir un certain âge pour accéder à l’ensemble des contenus qui se déversent sur les réseaux sociaux. Comme il est nécessaire d’avoir au moins 16 ans pour commencer à poser ses mains sur le volant d’une voiture. La majorité numérique à 15 ans est l’une des solutions pour accroître considérablement la protection des plus jeunes sur le Web. Les plateformes sont d’ailleurs nombreuses à fixer un âge minimum de 13 ans pour pouvoir créer un compte. Or, dans les faits, ces limites d’âge sont aisément contournées du fait de l’absence d’un véritable système de vérification. Cette majorité numérique est d’autant plus essentielle que le filtrage des contenus, leur adaptation en fonction de l’âge de l’utilisateur et le contrôle parental sur ces plateformes ne sont pas optimaux.

L’Europe a mis les plateformes numériques face à leurs responsabilités grâce à la loi sur les services numériques, qui les oblige à réguler les contenus. Ce qui est illégal hors ligne l’est également en ligne. Cette responsabilité doit être d’autant plus forte vis-à-vis des plus jeunes. Elles ne peuvent pas s’en exempter.

Le président de la République l’a encore rappelé récemment : c’est par une action européenne que nous parviendrons à agir efficacement en faveur de la santé et du bien-être des plus jeunes en établissant une majorité numérique à 15 ans. Nous saluons la coalition, comprenant la France, la Grèce, l’Espagne, l’Irlande, le Danemark et la Belgique, qui se mobilise pour rallier le plus grand nombre d’Etats membres à une telle mesure. Unie sur cette question, l’Union européenne aura un poids bien plus important pour contraindre les acteurs numériques à mettre en œuvre une vérification de l’âge véritablement effective. La législation européenne en a le devoir, tout en garantissant le respect de la vie privée et la protection des données personnelles.

Grâce à cette mesure, nous protégerons tous les jeunes Européens. Nous aurons la possibilité de leur donner accès à des contenus adaptés à leur âge ou même aller, si nécessaire, jusqu’à une interdiction de l’usage de certaines plateformes pour les moins de 15 ans.