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Challenges I Vinted, Doctolib et petites entreprises… un Digital Services Act moins contraignant que celui des Gafam- 16.02.2024

Ce samedi 17 février, le Digital Services Act (DSA) entre en vigueur pour les plateformes qui comptabilisent moins de 45 millions d’utilisateurs. Mais par rapport aux géants du numérique, une application bien moins restrictive leur sera accordée. 

Deux poids, deux mesures. C’est l’impression que donne le Digital Services Act (DSA) au moment de son entrée en vigueur pour les plateformes de moins de 45 millions d’utilisateurs, ce 17 février. La régulation des Vinted, Airbnb, Zalando, Doctolib mais aussi, et surtout, des petites entreprises semble bien loin du DSA appliqué aux géants du numérique depuis août dernier. Alors que certains de ces acteurs n’ont pas les moyens de mettre en place les outils pour se mettre en conformité, ou même savoir s’ils le sont, la Commission compte les accompagner plutôt que les sanctionner. Les Gafam en rêveraient presque.

En substance, le DSA a pour objectif d’améliorer la transparence des plateformes. Celles-ci doivent notamment proposer des solutions qui permettent de faciliter le signalement de contenus illicites et d’accélérer leur suppression. Il leur est aussi demandé d’interdire la publicité ciblée pour les moins de 18 ans et de faire la lumière sur leurs algorithmes de recommandation. Et il est désormais obligatoire pour les réseaux sociaux de proposer un affichage chronologique des contenus. Le DSA exige enfin davantage de traçabilité pour les vendeurs en ligne afin de vérifier leur fiabilité. Cela concerne par exemple les vendeurs tiers sur Amazon, de petites structures concernées donc dès ce samedi. 

Avec cette seconde entrée en vigueur, une différence sera toutefois faite, là encore, en fonction de la taille des plateformes. « Les obligations du DSA ne doivent pas être des contraintes pour les plus petites entreprises, mais un moyen de les responsabiliser en créant un socle commun de bases. Nous devons donc leur apporter des réponses, des aides financières et des sanctions graduées en fonction de leur taille », clarifie la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin (Renew). 

Coordinateurs nationaux : un premier couac 

Prochaine étape : les entreprises doivent prendre connaissance de la réglementation, réaliser un audit et des études d’impact et évaluer dans quelle mesure elles pourront répondre au DSA. Pour les accompagner, les Vingt-Sept ont mis en place des coordinateurs nationaux, dont la mission sera aussi de veiller au respect du DSA et de recevoir les plaintes. Mais il y a déjà un couac au démarrage : seulement 10 coordinateurs ont été désignés à ce jour, dont celui de la France (l’Arcom). 

« L’action de la Commission et des coordinateurs n’est pas entravée par les retardataires, assure pour autant Stéphanie Yon-Courtin. Les coordinateurs eux-mêmes ne vont pas pouvoir travailler à effectif constant car c’est une vraie nouvelle compétence qui leur revient. C’est une manoeuvre qui, de toute façon, prendra du temps. » 

Les géants font de la résistance

C’est peu de le dire, en témoigne le DSA mis en place le 25 août dernier pour 19 grandes plateformes. A ce moment-là, certaines ont tenté de négocier pour passer entre les mailles du filet : Pornhub se défendait de compter 33 millions d’utilisateurs. Amazon avait aussi affiché son mécontentement et contestait le statut de « très large plateforme ». Encore aujourd’hui, l’eurodéputée n’a pas de mal à reconnaître que les grandes plateformes profitent d’une position dominante : « Les Gafam vont régulièrement mettre en avant le fait que, pour des raisons techniques ou de confidentialité, ils ne peuvent pas se conformer à notre régulation. Ce sont eux qui, quelque part, sont à la manoeuvre compte tenu du déséquilibre en termes de ressources. Ils font la pluie et le beau et décident de l’état d’avancement des choses. »

Même s’ils sont sous la menace directe d’amendes, pour le moment, ce sont surtout des enquêtes qui ont été ouvertes. TikTok est dans le viseur de la Commission européenne concernant la protection des mineurs. Leurs mesures visant à protéger les jeunes utilisateurs n’ont pas convaincu Bruxelles. X (ex-Twitter) est aussi la cible d’une investigation ouverte le 18 décembre dernier. Celle-ci porte sur « la lutte contre la diffusion et l’amplification de contenus illégaux et la désinformation dans l’UE, la transparence des plateformes et la conception de l’interface utilisateur ». 

Du côté du Digital Markets Act, texte cousin du DSA, l’horizon ne s’éclaircit pas davantage. Les plateformes ont jusqu’au 7 mars pour se mettre en conformité avec le DMA qui vise à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles en obligeant les grandes plateformes à s’ouvrir à la concurrence. Mais là aussi, les géants réussissent à contourner la réglementation. Encore récemment, le 14 février, il a été annoncé que iMessage et Bing n’y seraient pas soumis. Après enquête, la Commission européenne a établi que ces services n’étaient pas considérés comme des contrôleurs d’accès. A l’approche des élections européennes, les géants du numérique pourraient bien profiter de ces brèches et de ces quelques semaines d’accalmie pour fourbir davantage leurs armes.

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