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Le Figaro - Bruxelles prend des sanctions contre la Big Tech américaine, au risque de provoquer la colère de Trump - 23/04/2025

Bruxelles prend des sanctions contre la Big Tech américaine, au risque de provoquer la colère de Trump
Apple est condamné à une amende de 500 millions d’euros et Meta à 200 millions d’euros pour des infractions à sa nouvelle réglementation sur les marchés numériques (DMA).
La décision était attendue depuis des semaines. La Commission européenne a fini par dégainer, mercredi, ses premières amendes contre deux entreprises californiennes de la tech, Apple et Meta, au titre de la réglementation sur les marchés numériques (DMA) . Apple est frappé d’une amende de 500 millions d’euros pour avoir entravé la concurrence à son magasin d’applications, l’App Store. L’entreprise a aussitôt annoncé faire appel de cette décision qui la «cible injustement» et l’oblige « à donner gratuitement » sa technologie.
Meta , propriétaire de Facebook, se voit de son côté infliger une amende de 200 millions d’euros pour avoir forcé ses utilisateurs à accepter de lui partager leurs données. « La Commission européenne tente de mettre des bâtons dans les roues d’entreprises américaines prospères tout en permettant aux entreprises chinoises et européennes d’opérer selon des normes différentes », a réagi Joel Kaplan, directeur des affaires internationales du groupe, et proche de Donald Trump.
Ces décisions techniques sont les premières applications du DMA, entré en vigueur en mars 2024, une législation ambitieuse adoptée sous l’égide de l’ex-commissaire Thierry Breton pour réguler les pratiques anticoncurrentielles des géants du numérique en Europe. Ces deux enquêtes avaient été ouvertes en mars 2024. Mais l’ombre des tensions commerciales avec les États-Unis plane sur le dossier. L’annonce de ces sanctions aurait ainsi été reportée depuis plusieurs semaines par les dirigeants de la Commission pour ne pas accroître l’ire de Donald Trump.
La pause de 90 jours décrétée par le président américain sur les droits de douane aurait alors été perçue comme une fenêtre de tir opportune pour dégainer ces amendes. Selon un porte-parole de l’exécutif bruxellois, celles-ci «n’ont rien à voir avec les droits de douane». Les dirigeants européens veulent en effet à tout prix éviter de mêler les réglementations sur les services numériques avec les négociations pour une désescalade commerciale, un piège dans lequel l’Administration américaine voudrait les entraîner. Cela n’empêche pas les lobbys de la tech américaine de rugir : « Le DMA est devenu très politisé», déplore Daniel Friedlaender, responsable pour l’Europe du Computer & Communications Industry Association.
« L’Europe ne baisse plus les yeux face aux géants du numérique, réagit la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin, rapporteure du DMA. Le message est limpide : respecter les règles ou en payer le prix. J’aurais aimé que ça frappe plus tôt et plus fort, mais au moins, le cap est tenu ». Le niveau des amendes est, en effet, très loin du plafond de 10% du chiffre d’affaires total, soit des dizaines de milliards d’euros, prévu par les textes. À titre de comparaison, Apple avait été condamné à une amende de 1,8 milliard d’euros en 2024 sur un dossier similaire après une plainte de Spotify. Les montants sont «proportionnés» aux infractions, justifie un haut fonctionnaire de la Commission.
« Ces amendes ne représentent que 0,6% et 0,3% de leurs profits annuels, constate Cyril Vart, associé au sein du cabinet EY Fabernovel. De quoi agacer sans doute ces entreprises, mais sans modifier sur le fond leur comportement». La Commission européenne donne toutefois 60 jours aux deux entreprises pour se mettre en conformité, période à l’issue de laquelle de nouvelles pénalités financières seront appliquées.
«Notre objectif n’est pas d’imposer de lourdes amendes, mais de nous assurer que les entreprises respectent les règles», expliquait dans une interview au Figaro , le 11 avril, la vice-présidente de la Commission en charge de la Souveraineté numérique, Henna Virkkunen, qui n’a pas elle-même présenté les décisions de mercredi, annoncées par simple communiqué.
Florentin Collomp, Keren Lentschner