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La Tribune de l'assurance I Distribution, être ou ne pas être commissionné !

L’assurance française affiche sa cohésion sur la délicate question du mode de rémunération des intermédiaires soulevée une nouvelle fois par le projet européen de stratégie d’investissement de détail (RIS). À l’aube d’une année européenne mouvante, les positions convergent en France, en attendant ce qu’il en sera à l’échelle multilatérale. 

Dans un contexte européen où les pourparlers s’intensifient autour du projet RIS, en prévision d’un vote au Parlement européen en mars prochain, un clivage se dessine entre deux perspectives. Tandis que la proposition formulée par la commissaire européenne aux services financiers, Mairead McGuinness, entend limiter les commissions des distributeurs de produits d’épargne, plutôt que les interdire intégralement comme initialement envisagé, la France se positionne parmi les pays opposés à cette limitation. « L’uniformité des positions en France, sur ce point, est un aspect qui mérite d’être souligné », indique Bertrand de Surmont, président de Planète CSCA. Un constat corroboré par l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin, rapporteuse sur la RIS : « Ce passage d’une interdiction totale à une interdiction partielle peut paraître comme une manœuvre visant à réintroduire une interdiction totale à l’avenir, ce qui ne serait pas souhaitable. C’est pourquoi j’ai supprimé cette interdiction partielle dans mon projet de rapport. » 

L’interdiction suscite l’émoi 

L’application complexe de l’interdiction partielle, qui conditionne l’autorisation des commissions – notamment l’obligation de proposer des gammes suffisamment larges de produits – risquerait d’exclure la majorité des distributeurs français de cette forme de rémunération. De fait et bien que le projet de « ban of commission » ait été abandonné, l’interdiction partielle présente dans la RIS suscite l’émoi, en particulier chez les intermédiaires mono produit. 

« Étant déjà appliquée en Grande-Bretagne et certains pays d’Europe du Nord, l’interdiction des commissions induit systématiquement un ensemble de conséquences bien connues. Du côté des consommateurs, on constate un moindre accès à un bon niveau de conseil. Et pour ceux qui y accèdent, son coût s’envole. Cette réglementation serait inique et inefficace et irait assurément à l’encontre des intérêts du consommateur », conteste Bertrand de Surmont. Avec en filigrane, la menace de voir le volume de la collecte s’affaiblir, alors qu’il est fortement orienté vers le service de la dette. « Il semble inconcevable que l’on s’achemine vers une interdiction des commissions, étant donné que les répercussions sur la collecte de l’épargne et de l’assurance vie seraient considérables », confirme Henri Debruyne, président du Medi. En dépit des risques observés quant à l’accès au conseil, et bien que la RIS ait trait aux produits d’épargne et assurance vie, ses répercussions sont susceptibles de s’étendre à la non-vie, car elle modifie à la fois DDA et MIF. « Il faudrait plutôt documenter, encadrer et préciser les conditions du commissionnement afin d’éviter les potentiels conflits d’intérêts », remarque Grégoire Dupont, directeur général d’Agéa. La transparence sur les frais des produits d’épargne est l’autre sujet sur la table du débat autour de la RIS. La directive prévoit de la renforcer en imposant une divulgation précontractuelle complète et une remise annuelle d’informations sur les coûts, frais et performances aux épargnants. Avec DIA , l’information sur la rémunération des intermédiaires ne s’appliquait que sur demande du client et les contrats dont les primes annuelles excédaient 20 000 € . Avec la DDA, tout distributeur est tenu de fournir à son client tant la source que la nature de sa rémunération pour les produits non-vie, en plus de spécifier le montant en vie. 

De son côté, MIF II oblige de renseigner le client sur les coûts et frais, incluant les versements perçus de tiers en cas de relation durable. Quant à la France, du fait de la loi Pacte, elle préconise déjà la publicité des frais de l’assurance vie, y compris les coûts de distribution. Par conséquent, la RIS cherche à homogénéiser ces dispositifs, les élargissant à l’ensemble des typologies de clientèle. « Il est normal qu’un distributeur soit en mesure d’expliquer à son client les actions entreprises en sa faveur et les coûts induits », souligne Bertrand de Surmont. Ainsi, une plus grande transparence se dessine, engageant la responsabilité des opérateurs. Les niveaux d’information, de conseil et de contrôle des réseaux de distributeurs actuels ne répondent apparemment pas tous à la recommandation de l’ACPR du 17 juillet . 

Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée française et rapporteuse sur la RIS 

« Je vise un vote en mars prochain pour entériner la position du Parlement européen » 

« Les travaux vont commencer au Parlement européen. En efet, les premières négociations [ont débuté] en décembre et se poursuivront en janvier et février. Je vise un vote en mars prochain pour entériner la position du Parlement européen. Comme vous le savez, les élections européennes approchent à grands pas. Les trilogues pourront dès lors seulement commencer lors du prochain mandat. L’objectif, en entérinant la position du Parlement européen sous ce mandat, est qu’elle puisse être reprise dans la prochaine mandature, comme le veut la pratique. Cela dit, les trilogues débuteront seulement lorsque les deux co-législateurs (Parlement européen et Conseil des ministres) auront déterminé leurs positions respectives. »

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