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Le Parisien I Dans le train, les eurodéputés oublient les postures - 29.04.2024

Dans le train, les eurodéputés oublient les postures 

Après chaque session du Parlement européen, les eurodéputés français, tous bords confondus, aiment échanger dans le TGV Strasbourg-Paris de 14 h 49. 

Le bout de papier, griffonné de notes en anglais, tombe de la poche de l’Insoumise Manon Aubry sur le quai de la gare de Strasbourg, ce jeudi 25 avril. L’eurodéputé Renew (groupe de Renaissance) Gilles Boyer le ramasse et le lui tend. « J’aurais pu le garder ! » la taquine l’ancien juppéiste. « Il n’y avait pas le secret des codes nucléaires », lui renvoie dans un sourire la tête de liste LFI. À quelques mètres, le manteau rouge vif de la tête de liste Renaissance Valérie Hayer s’engouffre en voiture 11 tandis que Philippe Olivier, conseiller et beau-frère de Marine Le Pen, monte en voiture 13. La toute dernière session du Parlement européen vient de se finir. Et comme chaque mois, les eurodéputés français de tous bords rentrent à Paris par le TGV de 14 h 49. Une quasi-institution. 

« C’est un espace hors du temps, sans vernis, sans théâtre. Il n’y a que des gens qui font le même métier. Ce train permet des discussions que l’on n’a jamais dans la vie », se félicite Gilles Boyer, à qui le « 14 h 49 » rappelle « un peu la buvette de l’Assemblée nationale ». Un condensé de l’institution européenne, temple de la recherche du compromis, loin des joutes surjouées du Palais-Bourbon. 

« Je vais beaucoup à la voiture-bar... Enfin, en fonction de qui y va ! » glisse Valérie Hayer, qui aime échanger avec certains LR ou Manon Aubry dont elle respecte, au-delà des « différences politiques », le travail. Ce jour-là, celle-ci est justement assise devant elle. L’occasion d’accorder leur agenda sur leur présence à un énième débat de campagne. 

Filtre de confidentialité 

« Au Parlement européen, mon groupe peut faire la différence sur le résultat des votes », explique la cheffe Insoumise, qui se définit comme une « force pragmatique ». Seule limite : ne pas parler à un élu RN. Il lui arrive pourtant d’être assise à côté de l’un d’eux : « Je suis alors bien contente d’avoir un filtre de confidentialité sur mon écran ! » Pas de risque de regards indiscrets ce jour-là. De l’autre côté du couloir, l’élu RN Gilles Lebreton est absorbé par sa lecture de « Valeurs actuelles »). Dans la voiture d’à côté, le RN Jean-Lin Lacapelle dort. 

En voiture 13, la tête de liste PS Raphaël Glucksmann se fait alpaguer par Bernard Guetta (Renew), que le hasard a placé juste derrière lui : « Tu peux être en désaccord avec rien du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne ! » « Une fois qu’on aura arrêté les bêtises, il faudra créer un parti commun ! » ajoute Guetta, mi-blagueur mi-sérieux. 

« T’es pas un arbre » 

Raphaël Glucksmann n’a pas le temps de se plonger dans ses notes ou dans son livre. Sa directrice de cabinet le cherche pour une réunion de travail séance tenante au wagon-bar. Mais la cheffe de la délégation française Renew Marie-Pierre Vedrenne s’y trouve aussi. Pour la chambrer, Raphaël Glucksmann se met à imiter en boucle les macronistes qui répètent mécaniquement : « Glucksmann est l’arbre qui cache la forêt socialiste ! » « Moi, je ne dis pas ça », lui répond Vedrenne. « T’es pas assez écolo pour parler d’arbre ! » grince-t-il. « T’es pas un arbre mais, moi, je pèse plus que toi en commission du Commerce international », rétorque la députée centriste, qui dit apprécier ces « moments d’échanges ». Même avec le RN qu’elle cherche à comprendre. Une fois, assise à côté de Jordan Bardella, elle l’a bombardé de questions : « Mais vous pensez vraiment ce que vous dites ? » 

 « Il y a un côté on refait le match » 

Coincé dans un carré de seconde classe en voiture 15, François-Xavier Bellamy, la tête de liste LR, fait contre mauvaise fortune bon cœur : « Je suis avec la France de la proximité ! » Bien qu’il lui soit déjà arrivé de voyager sur un strapontin, lui aussi adore le 14 h 49, toujours bondé. « Il y a un côté on refait le match », souligne-t-il, tout en reconnaissant que c’est à bord du TGV spécialement affrété Bruxelles- Strasbourg que les négociations avant les votes sont les plus utiles. Mais proximité de Paris oblige, quasiment aucun élu français ne le prend... 

Reléguée dans la dernière voiture, Laurence Sailliet, eurodéputée LR sortante, sait qu’il s’agit de son dernier 14 h 49. Elle a pris ses distances publiquement avec Bellamy. « Ces derniers temps, les élus parlaient davantage des perspectives de chacun que des votes. Moi, au moins, mon sort est réglé... » confie-t-elle. Que fera désormais l’ancienne chroniqueuse de l’émission de Cyril Hanouna « Balance ton Page 2 of 3 © 2024 Factiva, Inc. All rights reserved. post ! » sur C 8 ? « Quand vous avez fait ça, vous savez tout faire », répond-elle, sûre d’elle. 

Il est 16 h 35, le TGV arrive gare de l’Est. Manon Aubry se saisit de son sac en papier d’une boulangerie haut de gamme. « Ça fait un peu de droite, non ? » la moque l’eurodéputée Renew Stéphanie Yon- Courtin. La réplique ne tarde pas à fuser : « La droite, ça vous connaît, chez les macronistes ! » La bulle du 14 h 49 est bien terminée. 

Réunion de travail et bonne humeur dans le wagon-bar pour Raphaël Glucksmann, tête de liste PS.



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