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La Tribune I UE : les boîtes de camembert sur la sellette, faute de solution de recyclage

Des eurodéputés français ont déposé ce mercredi des amendements pour exclure les traditionnels emballages en bois du camembert d'un règlement sur le recyclage qui doit être voté la semaine prochaine au Parlement européen. Cette lutte sera d'autant plus difficile à gagner que les Européens n'ont jamais autant généré de déchets.   

Des eurodéputés français ont déposé des amendements pour que le camembert soit épargné par un règlement sur le recyclage. Et pour cause, il impliquerait la disparition d'une de ses marques de fabrique : son emballage en bois. Dans le détail, le texte, proposé en novembre 2022 par la Commission européenne afin de réduire les déchets, impose notamment des objectifs de recyclage pour tous les emballages à partir de 2030. Il fait l'objet d'un intense lobbying hostile des entreprises.   

« Les boîtes en bois utilisées pour emballer les fromages comme le camembert ne disposent pas de filière de recyclage dédiée, car il serait trop onéreux de créer une chaîne logistique », a expliqué à l'AFP l'eurodéputée macroniste, Stéphanie Yon-Courtin, originaire de Normandie.   

«Déjà beaucoup à faire sur les emballages plastiques »    

Son groupe, Renew Europe (centristes et libéraux), à la demande de la délégation française, a déposé un amendement pour réclamer que l'obligation de recyclage ne s'applique pas aux emballages en bois (boîtes de camembert, de mont-d'or, bourriches d'huîtres, barquettes de fraises...), ni aux emballages en cire (ce qui concerne par exemple le Babybel). Les parlementaires demandent à ce que la Commission européenne fasse un rapport pour évaluer la disponibilité d'infrastructures de recyclage pour ces types d'emballages, ainsi que le bénéfice pour l'environnement de l'obligation de les recycler, avant éventuellement de décider de les y soumettre.  

«Avant d'aller demander de recycler des boîtes en bois, il y a déjà beaucoup à faire sur les emballages plastiques», argumente aussi l'eurodéputé Jérémy Decerle (Renew), ancien président du syndicat des Jeunes agriculteurs.    

Le texte avait fait l'objet d'un premier feu vert de la commission environnement du Parlement européen en octobre. Elle a adopté un compromis reprenant les grandes lignes de la proposition et endossé pour l'essentiel par les élus Verts, S&D (socialistes), Renew (centristes) et PPE (droite). Le texte conserve par exemple l'obligation pour les Etats de recourir à un système de consigne pour les bouteilles en plastique et canettes métalliques, si le taux de collecte de ces déchets n'atteint pas 85%. Plus généralement, au moins 90% des matériaux d'emballages (plastique, bois, aluminium, verre, carton...) devraient être collectés séparément d'ici 2029, et tous les emballages vendus devront être recyclables à partir de 2030.   

«Si on a envie de caricaturer l'Europe avant les élections, on commence à embêter les producteurs de camembert et leur emballage en bois... ça fait bondir tout le monde !», a commenté la secrétaire d'Etat française chargée de l'Europe, Laurence Boone, lors d'une rencontre mardi soir avec des journalistes. « Qu'on fasse du recyclage, il le faut, qu'on incite les entreprises à utiliser des emballages recyclables, il le faut. Après, il faut un peu de réalisme pragmatique et ne pas embêter les producteurs de camemberts ». 

Des amendements ont aussi été déposés par les eurodéputés français François-Xavier Bellamy et Arnaud Danjean du groupe PPE (droite) et par Catherine Griset (groupe ID, extrême droite) afin d'exclure les emballages en bois du champ de la règlementation.   

Les Européens n'ont jamais autant généré de déchets d'emballage.   

En revanche, l'eurodéputée allemande Delara Burkhardt (groupe Socialistes et démocrates), également impliquée dans le dossier, semblait moins sensible au sort de l'emblématique fromage normand : « L'exigence pour l'emballage en bois du camembert d'être recyclable doit rester », a-t-elle déclaré à l'AFP. 

Il faut dire que des colis aux gobelets de café, les Européens n'ont jamais autant généré de déchets d'emballages : 188,7 kg  par habitant en 2021 - un bond de 11 kg en un an et de 32 kg en une décennie - pour un taux de recyclage de seulement 64% (moins de 40% pour les seuls emballages plastiques), selon Eurostat. Faute d'action, la barre des 200 kg annuels sera franchie d'ici 2030. L'enjeu est de taille : la fabrication d'emballages génère dans l'UE un chiffre d'affaires annuel de 355 milliards d'euros, rappelle Pascal Canfin, président (Renew) de la commission Environnement, qui dénonce « un lobbying de grande ampleur » à coup de « rapports mensongers ».

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