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Comment LREM rêve de reconfigurer le Sénat 

Macron reçoit mardi les présidents des groupes politiques au Sénat.

ÉLECTIONS C'est l'autre scrutin qui donne des sueurs froides à La République en marche. En septembre, la moitié des 348 sièges du Sénat, où la droite est largement majoritaire, seront renouvelés. Une reconfiguration partielle de la Chambre haute qui dépend du vote des grands électeurs, et donc en grande partie des résultats des élections municipales. Après le revers annoncé de ce second tour, donc, les Marcheurs pourraient par effet domino voir leur influence et leur contingent -déjà modeste- fondre au Palais du Luxembourg.

À la tête des sénateurs LREM, François Patriat, lui-même en difficulté en Côte-d'Or, risque de voir son groupe réduit à portion congrue. Sur 23 sièges, dix sont renouvelables, et quatre élus seulement se représentent. La commission d'investiture, pilotée par le sénateur Claude Haut et l'eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin doit désigner des candidats début juillet. Le parti présidentiel ne veut pas perdre de temps. En 2017, forts de leur succès aux législatives, les Marcheurs avaient pronostiqué une entrée en force au Sénat, avec l'objectif affiché et revendiqué d'une soixantaine d'élus. Trois ans plus tard, les ambitions ont été clairement revues à la baisse, et la stratégie a radicalement changé. « Nous avons eu lors du dernier renouvellement une approche trop partisane. Cette fois, la logique de la majorité présidentielle, doit primer, en regardant de façon large quels élus sont compatibles avec nous » , affirme-t-on à la direction du parti. En clair, pour masquer la possible perte de sénateurs LREM, le parti cherche à arrimer des élus qui siègent dans d'autres groupes et de recruter parmi les membres de trois groupes jugés « macron-compatibles », ceux d'Hervé Marseille (Union centriste), de Jean-Claude Requier (Rassemblement démocratique et social européen) et de Claude Malhuret (Les Indépendants - République et territoires). LREM cherche aussi quelques prises parmi les socialistes et Les Républicains en rupture de ban. « On a déjà quelques idées de ceux avec qui on veut danser » , plastronne un haut cadre du parti, quand un autre décompte un potentiel « d'une trentaine d'élus » . Les dirigeants de LREM, qui se retrouvent avec des conseillers de l'Élysée et de Matignon chaque jeudi matin pour préparer ce scrutin, visent en priorité les sénateurs qui ont voté la confiance au gouvernement. Autant de « preuves d'amour » , qui leur permettent à leurs yeux d'envisager une reconfiguration du Sénat à leur avantage. « On cherche à travailler avec ces gens sans leur mettre le pistolet sur la tempe » , amadoue un dirigeant LREM.

« Marque ombrelle »

Le ministre des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, qui envisage de présenter sa propre liste dans l'Eure, est à la manoeuvre et multiplie les contacts pour bâtir « un réseau de sénateurs dans un groupe et au-delà qui se mobiliseront pour le président en 2022 ». « Le Sénat est la Chambre du dépassement politique », explique-t-il au Figaro . À terme, « le groupe LREM a donc vocation à disparaître » , affirme un cadre LREM, pour se fondre dans un « outil élargi souple » , « une marque ombrelle pour agréger des sensibilités et des personnalités qui veulent soutenir la majorité présidentielle » , ajoute Sébastien Lecornu. La stratégie est diversement appréciée côté Sénat. « LREM veut dynamiter les groupes mais encore faut-il être dans une dynamique positive », raille-t-on au parti Agir.

La stratégie de Sébastien Lecornu est « assez peu crédible » aux yeux de plusieurs présidents de groupe, qui souhaitent préserver leur pré-carré. « Il veut devenir sénateur, se présente en disant «tu m'en donnes 10», ça ne marche pas comme ça ! », s'exaspère un dirigeant du MoDem. « Il a fait des courbettes à l'Élysée en disant «je vais m'occuper du Sénat», observe un président de groupe. Mais au Sénat, il vaut mieux avoir une photo de Gérard Larcher que d'Emmanuel Macron. Il espère ramener des scalps en échange d'une promotion au gouvernement et se voit comme le futur président du Sénat en 2023. Il vit dans un autre monde ! » « Former un intergroupe, on verra, temporise Jean-Claude Requier, président du groupe RDSE. Mais nous, on entend conserver notre groupe, le plus ancien du Sénat, et composé de sensibilités variées. » La démarche de Sébastien Lecornu est à l'inverse observée « avec bienveillance » par le questeur du groupe socialiste, Bernard Lalande. S'il est réélu en Charente-Maritime, le sénateur n'est pas certain de continuer à siéger avec le PS. De là à faire bouger les équilibres politiques... « De toute façon, résume un président de groupe, le Sénat est le dernier endroit où il y a des bouleversements. »