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Les Echos I Cryptomonnaies : le projet européen de réglementation met le secteur en émoi

Les députés européens ont voté un projet de réglementation des cryptoactifs, ouvrant la voie à la création d'un cadre juridique européen. La mise en place de règles environnementales autour du minage fait particulièrement débat, après le retrait d'un amendement controversé. 

La fin de l'ethereum et du bitcoin dans l'Union européenne. C'est, selon nombre d'acteurs du monde des cryptos, la menace que faisait planer le vote d'un projet de texte européen visant à réglementer l'usage des cryptoactifs, « Market in Crypto Assets » (MiCA). Dans le viseur, une technique de minage, celle dite de la « preuve de travail ». Précisément celle utilisée pour créer des bitcoins. La réglementation prévoyait de la contraindre en raison de son impact environnemental avéré. Pour le secteur, cela revenait à tordre tout simplement le cou à la cryptomonnaie. 

Le document a finalement été approuvé par les députés de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le 14 mars dernier, mais sans l'amendement controversé. 

Dans le détail, les députés ont adopté un mandat de négociation sur le texte. Celui-ci entérine la position du Parlement européen sur la question et ouvre la voie aux négociations entre ce même Parlement, le Conseil et la Commission européenne. Ceci, en vue d'une adoption définitive du texte. Cette nouvelle régulation est donc encore à l'état de projet. Pourtant elle reste l'objet de débats sur son contenu et les règles qu'elle imposerait aux cryptos, notamment sur le plan environnemental. 

Des « droits et devoirs » pour les fournisseurs de cryptomonnaies 

Introduit par la Commission européenne fin 2020, le projet de règlement MiCA doit combler le vide juridique autour des cryptoactifs. « Nous sommes face à l'émergence d'un secteur qui s'est autorégulé », explique l'eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin, vice-présidente (Renew Europe) de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. 

Désormais, « les fournisseurs de cryptomonnaies auront des droits et des devoirs ». Le texte inclut ainsi des mesures contre la manipulation du marché et l'utilisation des cryptomonnaies dans un cadre illicite, notamment le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme. 

Le projet de législation prévoit également de « soutenir le développement des instruments de paiement alternatifs », mais aussi de protéger les consommateurs. « Il y a une tendance très volatile et changeante avec les cryptomonnaies et les consommateurs seront rassurés qu'il y ait des garde-fous », argumente Stéphanie Yon-Courtin. « Il y aura par exemple une obligation légale des fournisseurs d'agir dans l'intérêt des clients, ou encore l'organisation d'une procédure de dépôt de plainte », poursuit l'eurodéputée. Les consommateurs devront également être mieux informés des coûts et risques d'un investissement dans des monnaies virtuelles. 

Débats autour des règles environnementales 

Le texte comporte également un volet sur la réglementation environnementale des cryptomonnaies. C'est précisément ce point qui était au coeur des débats et inquiétudes. Face à une proposition de texte jugée peu ambitieuse sur le plan environnemental, les élus verts et socialistes avaient proposé des modifications reconnaissant l'impact environnemental du système utilisé pour valider les transactions de certaines cryptomonnaies, le « proof of work » (« preuve de travail »). L'ethereum et le bitcoin utilisent justement ce système très gourmand en énergie, contrairement au mode de minage basé sur la « preuve d'enjeu » ( « proof of stake »). 

L'amendement ajouté avant le vote du texte indiquait ainsi que les cryptomonnaies devraient être sujettes à des standards environnementaux suivant leur mécanisme de validation des transactions avant d'être émises et échangées dans l'UE. « Pour nous, cela revient à chercher à généraliser le « proof of stake », alors que pour le bitcoin, il est impossible de changer de méthode de validation des transactions », pointe Rija Rameloarison, responsable conformité chez Just Mining, entreprise proposant différents services autour des cryptomonnaies. « On sait que le sous-entendu derrière cet amendement est que le proof of work ne respectera pas les minimums fixés », poursuit-il. 

« L'Union européenne se serait tiré une balle dans le pied » 

L'amendement en question, qui aurait, selon Stéphanie Yon-Courtin, « probablement exclu les principales cryptomonnaies qui utilisent le proof of work du marché européen » s'il avait été adopté, a finalement été rejeté. « L'Union européenne se serait tiré une balle dans le pied en interdisant le minage », poursuit l'eurodéputée. « C'était une invitation à utiliser les cryptomonnaies sur un marché parallèle voire, également, sur d'autres marchés où il y a une souplesse de la réglementation ». 

Pas question cependant de balayer d'un revers de main l'aspect environnemental des cryptomonnaies. Si le texte tel qu'il a été voté le 14 mars « ne vise pas à interdire une technologie en particulier », selon l'eurodéputée, il prévoit d'intégrer le minage de cryptoactifs dans la taxonomie européenne pour les activités durables d'ici 2025. Le texte pourra encore être modifié lors des négociations et pourrait être voté dans l'année. La guerre en Ukraine pourrait accélérer le calendrier. La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a déjà appelé à un vote rapide pour éviter que la Russie n'utilise les cryptos pour contourner les sanctions qui lui sont imposées. 

Inquiétudes persistantes 

Soulagé par le rejet de l'amendement controversé, le secteur des cryptomonnaies reste inquiet sur d'autres dispositions du texte, notamment sur la régulation des émissions de « stablecoins » (une cryptomonnaie adossée à une devise traditionnelle). De manière générale, « il est important de réguler les cryptomonnaies, pour notre légitimité et pour faire grossir le marché. Pour nous, cela a un intérêt éthique et même économique », affirme Rija Rameloarison. Problème, selon lui, le législateur « a une approche issue de la finance traditionnelle » face à une technologie pourtant « disruptive ». Et la discussion avec le secteur des cryptomonnaies « n'est pas vraiment installée », déplore-t-il. Pour Stéphanie Yon-Courtin, « il y a eu du lobbying traditionnel [avec le secteur] avant de faire le texte ». 

Pour Rija Rameloarison, une réglementation efficace au niveau européen passera par la naissance d'un « géant européen » des cryptomonnaies. « Aujourd'hui, tout le monde peut acheter des cryptomonnaies sans passer par un intermédiaire » ; pour que la réglementation soit efficace, « il faut qu'il y ait moins de transactions qui passent de pair à pair et qu'elles passent par un géant européen des cryptomonnaies capable de drainer les transactions », poursuit ce dernier. Les autorités auraient ainsi un regard sur les transactions via ce ou ces géants des cryptoactifs, assujettis aux règlements européens. Une vision centralisée… antinomique avec l'esprit initial des cryptos.

Anna Lippert

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