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Le JDD I Rachat de Twitter : Elon Musk déjà dans le viseur de Bruxelles
Paru le 30 avril 2022
Attendu en 2023, le Digital Services Act européen pourrait museler Twitter malgré les intentions libertaires de son nouveau propriétaire.
Le bras de fer entre Elon Musk et Thierry Breton a commencé. À peine avait-il bouclé le rachat pour 44 milliards de dollars de Twitter, le réseau social le plus turbulent de la planète numérique, le milliardaire, autoproclamé « absolutiste de la liberté d’expression », s’est fendu d’un tweet le 26 avril à 20h26. « La réaction extrême des anticorps de ceux qui craignent la liberté d’expression en dit long » ? Le commissaire européen Thierry Breton , principal artisan du règlement DSA (Digital Services Act), est prévenu.
Le texte qui doit encore être revu à la marge par les eurodéputés et le Conseil entrera en vigueur dans tous les pays de l’Union européenne courant 2023. Sera-t-il de taille à brider le réseau du magnat sud-africain, canadien et américain ? « Nous avons déjà montré la voie vers un standard européen avec le RGPD (règlement général sur la protection des données) et désormais le DSA, l’UE s’est réarmée pour lutter contre les innombrables désinformations et les fraudes véhiculées par les grandes plateformes », estime Stéphanie Yon-Courtin, vice-présidente de la commission des affaires économiques et monétaires au Parlement européen et membre du groupe Renaissance.
Des « espaces de diffamation »
Si elle dit chérir la liberté d’expression, l’eurodéputée s’insurge contre « les espaces de diffamation et déversoirs de haine » entretenus par certains grands réseaux sociaux. « De toutes les plateformes, Twitter est celle qui véhicule le plus de messages de haine de façon quasi organique du fait de ses formats courts et des retweets qu’elle autorise, ce qui la rend aussitôt virale », rebondit Me Bruno Ducoulombier, associé du cabinet Derriennic, spécialisé en nouvelles technologies. Pour Stéphanie Yon-Courtin, il ne fait pas de doute que le règlement DSA va recadrer les grands réseaux. « Ils vont devoir démontrer qu’ils ont tout mis en œuvre pour modérer leurs contenus, se montrer transparents sur leurs algorithmes qui expriment des choix idéologiques et ils pourront être lourdement sanctionnés à défaut », détaille-t-elle.
Ce n’est pas tout, les utilisateurs pourront contester les modérations proposées par les grands réseaux. « Actuellement, bien qu’ils puissent les attaquer, les utilisateurs ne vont pas au contentieux car cela coûte trop cher, sauf lorsqu’ils sont défendus par une association, un parti politique ou une grande entreprise », soumet Bruno Ducoulombier. « Quelles que soient les surprises promises par Elon Musk aux utilisateurs de Twitter, le dispositif européen devrait calmer ses ardeurs », selon Me François-Pierre Lani, du cabinet Derriennic. La raison ? La sanction prévue par le DSA peut atteindre jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires global d’un réseau. Reste à savoir si les instances européennes auront les moyens humains de leurs ambitions pour baliser le plus turbulent des réseaux.
Bruna Basini