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Euractiv I « Péage numérique » : les eurodéputés demandent aux générateurs de trafic de participer aux coûts d’infrastructures

Une majorité d’eurodéputés a voté en faveur d’une résolution soutenant les principes du « péage numérique » européen (senders-payer principles) lors d’un vote en plénière mardi (13 juin). 

 Le Parlement a soutenu un appel de « demande [de] mise en place d’un cadre d’action dans lequel les grands générateurs de trafic contribueraient équitablement au financement approprié des réseaux de télécommunications ». 

 La formulation a été introduite par un amendement de l’eurodéputée française Stéphanie Yon-Courtin au rapport annuel sur la concurrence rédigé par l’eurodéputé allemand René Repasi. 

 M. Repasi s’est opposé à l’amendement, estimant que le sujet était source de division pour la coalition gouvernementale allemande, mais Mme Yon-Courtin a obtenu le soutien de la commission de l’économie du Parlement. L’eurodéputé allemand a simplement réussi à introduire des éléments de défense de la neutralité du réseau. 

 Le groupe de droite des Conservateurs et réformistes européens (CRE) a déposé un amendement alternatif qui aurait supprimé la disposition du « péage numérique », mais il n’a été soutenu que par 267 eurodéputés contre 321 qui s’y sont opposés. 

 L’appel à une initiative du « péage numérique » a été soutenu par une grande partie du Parti populaire européen (centre droit) et des Socialistes & démocrates (centre gauche), tandis que le groupe CRE a voté massivement contre. 

 Le groupe centriste Renew était plus divisé, avec une majorité soutenant l’initiative en raison du grand nombre d’eurodéputés français dans le groupe. Un autre amendement des Verts, qui aurait fortement édulcoré la disposition, a reçu beaucoup moins de soutien, avec seulement 195 voix pour et 404 contre.

Initiative « péage numérique » 

 Le principe du « péage numérique » repose sur un grief de longue date des opérateurs historiques de télécommunications vis-à-vis des grandes entreprises technologiques. Selon les opérateurs, ces dernières génèrent la majorité du trafic et récoltent la plupart des avantages de l’économie de l’internet tout en ne participant pas aux coûts d’infrastructures. 

 Initialement défendue en mai 2022 par le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, ancien PDG de France Télécom, la Commission a finalement publié une consultation publique en février 2023 pour tâter le terrain sur la question de savoir si les grands générateurs de trafic devraient contribuer aux coûts d’infrastructures réseau. 

« L’internet à haut débit nécessite des investissements importants. C’est pourquoi, en plus de faciliter le déploiement du réseau à court terme, nous explorons la question importante de savoir qui devrait payer pour la prochaine génération d’infrastructures de connectivité », avait expliqué M. Breton. 

 Selon une intervention qu’il a faite lors d’un événement EURACTIV mardi dernier (6 juin), « le retard d’investissement le plus optimiste d’ici 2030 » tourne autour de « 175 milliards d’euros » pour les opérateurs de télécommunication. 

 Cependant, l’initiative a été critiquée par de nombreuses parties prenantes, des entreprises technologiques aux organisations de la société civile, qui craignent que la proposition ne mette à l’épreuve la neutralité du réseau puisqu’elle nécessiterait d’identifier qui génère quel trafic. 

 Dans le même temps, les autorités de régulation des télécommunications ont émis un avis négatif sur l’initiative, estimant qu’elles ne voyaient pas la nécessité d’une intervention réglementaire, l’écosystème de l’internet ayant déjà fait preuve de sa capacité d’adaptation par le passé.

Prise de position adoptée

 La question a également divisé les législateurs de l’UE, les coalitions se regroupant en faveur ou contre les principes du « péage numérique ». Après le vote de mardi, la position de chacun est beaucoup plus claire. 

« Nous devons aussi repenser la juste rémunération des réseaux. Il faut veiller à ce qu’une poignée d’entreprises ne puisse pas monopoliser le trafic exponentiel de données sans contribuer effectivement aux infrastructures qu’elles utilisent », a déclaré l’eurodéputée centriste Stéphanie Yon-Courtin (Renew) lors d’un débat en séance plénière lundi. 

Le rapport souligne la nécessité d’une approche de financement équitable, en particulier si l’UE veut atteindre les objectifs de connectivité de la boussole numérique 2030. D’ici 2030, tous les citoyens de l’UE devraient disposer d’une connectivité gigabit et toutes les zones habitées devraient être couvertes par la 5G. 

 Toutefois, au sein du Conseil des ministres de l’UE, une éventuelle proposition de la Commission dans ce sens pourrait rencontrer beaucoup plus de difficultés. Lors de la réunion du Conseil « Télécommunications » du 2 juin, la plupart des pays de l’UE ont appelé à la prudence, tandis que quelques-uns, dont la France, l’Italie et l’Espagne, ont soutenu publiquement le projet de M. Breton en août 2022.

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