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Euractiv I Les eurodéputés sont divisés sur les nouvelles règles en matière de dette

Lors d’un débat parlementaire consacré à la proposition de nouvelles règles budgétaires de la Commission européenne, les eurodéputés ont exprimé des points de vue très divergents, tant du point de vue de l’idéologie politique que du point de vue national, ce qui jette le doute sur la capacité du Parlement européen à faire entendre sa voix au cours des négociations à venir.

La Commission européenne a proposé des modifications législatives à la fin du mois d’avril et souhaite achever les délibérations avant la fin de l’année afin que les nouvelles règles budgétaires puissent entrer en vigueur au début de l’année prochaine. Ce délai exceptionnellement court exerce une forte pression sur les colégislateurs, à savoir les ministres des Finances des États membres et le Parlement européen.

Dans sa proposition, la Commission a proposé une approche plus individualisée de la réduction de la dette pour les États membres afin de permettre des investissements favorisant la croissance, et ce même si les pays ne réduisent pas leurs déficits publics à court terme.

Bien que cette approche s’éloigne des mesures d’austérité, la Commission a également proposé des « dispositions de sauvegarde » pour répondre aux craintes de l’Allemagne, qui s’inquiète que ces règles n’aboutissent pas à une réduction effective des niveaux d’endettement.

Les aspects idéologiques du débat

Au Parlement européen, la proposition a été attaquée de toutes parts mardi (9 mai). 

 Pour le Parti populaire européen (PPE) de centre droit, la proposition n’est pas assez stricte. L’eurodéputé allemand Markus Ferber, par exemple, a proposé une analyse totalement différente de celle de la Commission et d’une majorité d’économistes en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les règles actuelles posent problème. Selon lui, les règles actuelles ne permettent pas d’assainir le budget assez rapidement et sont appliquées de manière trop souple.

« Les trois solutions proposées par la Commission se traduisent maintenant par encore plus de temps, encore plus de flexibilité et des sanctions encore plus faibles. […] Ce n’est pas la bonne solution », a-t-il déclaré. 

Les Socialistes et Démocrates (S&D) de centre gauche ont quant à eux déclaré que l’accent était trop mis sur l’assainissement budgétaire, ce qui menace les dépenses sociales.

« […] Nous manquons une nouvelle occasion de créer une capacité d’investissement européenne permanente », a déploré l’eurodéputé social-démocrate Pedro Marques. Selon lui, une « telle capacité nous aiderait à mettre en œuvre des réformes stratégiques au niveau européen et à stabiliser nos économies à travers les cycles économiques ».

Par ailleurs, le coprésident du groupe des Verts, Phillippe Lamberts, s’est plaint du « dogme de l’austérité » qui a régné sur l’Europe au cours de ces 25 dernières années. Alors que la Commission souhaite maintenir la limite de déficit à 3 % du PIB, M. Lamberts la rejette, car elle ne repose sur « aucun fondement scientifique », selon lui.

« Ce qui compte, ce n’est pas tant le niveau du déficit, mais l’utilité publique et économique qu’il finance », a-t-il déclaré. En outre, il a affirmé que les règles devaient être adaptées pour permettre davantage d’investissements en faveur du climat.

Les aspects nationaux du débat

Cependant, les conflits ne sont pas seulement perceptibles entre les groupes politiques, mais aussi en leur sein, et plus particulièrement chez les libéraux du groupe Renew Europe. En effet, malgré un accord interne trouvé en début de semaine, les déclarations des différents eurodéputés du groupe diffèrent grandement.

« Nous devons investir massivement pour atteindre nos objectifs communs dans le cadre de la transition écologique et numérique et de notre souveraineté stratégique », a affirmé la Française Stéphanie Yon-Courtin, en accord avec la position du gouvernement français et s’opposant aux politiques d’austérité de l’UE du passé.

Sa collègue libérale des Pays-Bas, Caroline Nagtegaal, a quant à elle mis en garde contre les dettes qui sont devenues « beaucoup trop élevées ».

« Les contribuables néerlandais ne peuvent pas être contraints de payer la note si d’autres pays se fourvoient », a-t-elle déclaré, estimant que les déficits et les dettes devaient être réduits de toute urgence.

 Les députés semblent toutefois tous d’accord sur un point : ils ne sont pas satisfaits du délai dans lequel les États membres et le Parlement européen vont devoir négocier sur la question en raison de la publication tardive de la proposition de la Commission.

 Étant donné l’importance de ce dossier pour les gouvernements des États membres et sachant que de nombreux députés européens semblent voter en fonction de leur appartenance nationale plutôt que politique dans l’hémicycle, il pourrait être difficile pour le Parlement européen de trouver une position commune et de s’imposer en tant qu’acteur influent dans les négociations avec les États membres.

Par János Allenbach-Ammann

L'article original disponible ici