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Tribune : la faute morale de l’opposition à Bruxelles sur le plan de relance européen
Le Parlement européen a été le lieu d’une bataille bien moins consensuelle que d’habitude sur la manière de relancer l’économie européenne entre tenants des « Recovery bonds » (soutenus par le président Emmanuel Macron) et ceux des « coronabonds » (notamment à gauche). Les eurodéputées Valérie Hayer et Stéphanie Yon-Courtin (Renaissance, majorité présidentielle en France) reviennent dans cette tribune sur cet affrontement avec leurs collègues français issus des autres partis.
Le 16 avril, le Parlement européen a défini sa position commune pour répondre à la crise du Covid-19 en proposant des recovery bonds pour lever de la dette ensemble. Il s’agit, de loin, de la position la plus ambitieuse parmi toutes les institutions européennes. L’opposition française à Bruxelles s’en est tristement désolidarisée.
Cet événement est complètement passé sous les radars et pourtant il était d’importance pour l’avenir de l’Europe. Les députés européens se sont mis d’accord sur la réponse à apporter à la crise du Covid-19 : une crise sanitaire sans précédent, avec des impacts économiques et sociaux qui nous touchent tous et nécessitent une réponse la hauteur des enjeux et des attentes des citoyens.
Définir comment l’UE va réagir pour son économie
Sur les cendres de la seconde guerre mondiale, nous avons su construire l’Europe : un espace de paix, de libertés et de prospérité économique. Au lendemain de cette guerre contre le virus, nous devons agir collectivement pour assurer le futur de l’Union et de sa communauté de destins.
Des mesures exceptionnelles ont été prises telles que la levée du pacte budgétaire, le cadre temporaire relatif aux aides d’État ou les milliards mobilisés par la BCE, la BEI et la Commission européenne. Dépensez ce qu’il faudra a-t-on dit aux États membres. Mais d’ores et déjà, la question de l’après-crise se pose.
Le plan de relance économique voté par le Parlement européen venait répondre à l’épineuse question de la dette européenne qui divise tant les leaders nationaux. Les eurodéputés ont en effet proposé que le plan de relance européen soit financé par des obligations de relance (Recovery Bonds).
Il s’agit de l’émission de dette commune via le budget européen. L’Union pourrait émettre des centaines de milliards d’euros d’obligations mutualisées et fournirait aux pays les plus touchés par la crise, une aide financière vitale pour leur survie. Point essentiel, cet argent serait gratuit, c’est-à-dire que les États ne devraient rien payer et leur dette nationale n’augmenterait pas. Comment ? Grâce à la création de nouvelles recettes pour le budget européen provenant de la vente des droits à polluer européens, de l’harmonisation fiscale ou encore de la taxation des géants du numérique. Ainsi, les gros pollueurs et les grandes multinationales pratiquant l’optimisation fiscale financeraient la relance économique en payant les intérêts des emprunts.
Division entre Français sur les Recovery bonds
Surmontant les clivages géographiques et sous l’impulsion du groupe Renew Europe et de sa délégation Renaissance (LREM-MoDem-Agir-MR), la résolution contenant ces Recovery Bonds a été largement soutenue : de la CDU allemande aux socialistes suédois et espagnols, en passant par les libéraux estoniens et une partie des néerlandais. Parmi eux, beaucoup d’eurodéputés dont le parti politique est actuellement au pouvoir et qui n’avaient pas jusqu’ici publiquement soutenu un instrument de dette commune.
Néanmoins, les députés Renaissance se sont retrouvés bien seuls parmi les Français dans ce combat pour une position de compromis entre les nationalités et les groupes politiques. Les Verts, pourtant co-dépositaires de cette résolution, se sont finalement opposés. La moitié des socialistes français s’est désolidarisée de leur groupe social-démocrate. Les Républicains, La France Insoumise et le Rassemblement National n’ont, eux, pas rejoint le mouvement non plus. Ces prises de position sont regrettables, car marquées avant tout par des considérations politiques nationales et non européennes. Quelle surprise ensuite de les voir réclamer à cor et à cri plus d’Europe, plus de solidarité sur tous les plateaux de télévision alors qu’ils venaient juste de voter contre cette idée même.
En ne soutenant pas cette résolution, ces partis ne se sont pas seulement posés en dissidents sur les Recovery Bonds, ils se sont de fait prononcés contre d’autres dispositions du texte, telles que la création d’une force de santé européenne pour répondre aux crises sanitaires et le développement d’un stock européen d’équipements médicaux.
Doter l’UE de ressources propres
Le Parlement européen, dans toute sa diversité, a montré la voie pour un accord entre les chefs d’État et de gouvernement satisfaisant toutes les sensibilités nationales et, surtout, répondant aux besoins de l’Europe. Les enjeux sont tels que nous ne pouvons nous permettre de nous laisser enfermer dans de faux débats ou querelles politiciennes stériles.
La crise que nous traversons nous invite à être innovants, trouver des solutions concrètes qui s’inscrivent dans l’esprit de solidarité européenne et, faute de temps, dans le cadre des traités existants, pour construire une Europe plus unie, plus sociale et plus souveraine. Cette crise nous invite aussi à l’ambition : celle de doter l’Union européenne de considérables ressources propres alors que certaines propositions sont en négociation depuis des années ; celle d’avoir un budget européen à la hauteur des priorités européennes ; celle d’en finir avec l’image du nain politique ; celle d’avoir une Europe Puissance.
Cette ambition, nous étions convaincus qu’elle était pleinement partagée au-delà de notre famille politique. Nous ne pouvons que constater que, un an après les élections européennes et deux ans avant l’élection présidentielle, nos collègues se croient toujours en campagne électorale. Dans la maison du compromis qu’est le Parlement européen, c’est une erreur politique. En période de crise, c’est une faute morale.