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Ouest France - « Européens et Britanniques doivent sécuriser notre pêche » - 14/05/2025

« Européens et Britanniques doivent sécuriser notre pêche »

À Londres le 19 mai, pour le premier sommet entre dirigeants euro- péens et britanniques depuis le Brexit, la relation entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni s’apprête à prendre un nouveau départ. Défense, énergie, mobilité étudiante… Les enjeux ne manquent pas. Un autre sujet s’invitera à la table des négociations : la pêche.

Depuis 2021, conformément à l’Accord de commerce et de coopération (ACC) conclu après le Brexit, nous avons transféré 25 % de nos quotas de pêche à nos voisins d’outre-Manche. Ce qui a eu des conséquences importantes : le plan de sortie de flotte Brexit a provoqué la perte de près de quatre-vingt- dix navires français. Un bilan qui pourrait encore s’alourdir : après le 30 juin 2026, les navires de pêche européens perdront l’accès automatique aux eaux britanniques, qui sera, dès lors, renégocié annuellement, comme prévu par l’ACC.

Cette échéance apporte de l’instabilité et suscite des inquiétudes dans le monde de la pêche. Il est inacceptable que les Britanniques l’utilisent pour remettre en cause nos droits de pêche. Nous, Français, Européens, n’accepterons pas que la « réinitialisation » des relations avec l’UE défendue par le Royaume-Uni se fasse au détriment des intérêts de nos pêcheurs. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous devons nous mettre d’accord avec le Royaume-Uni sur un cadre qui garantit à nos navires un accès continu, stable et de long terme aux eaux britanniques après juin 2026, sans réduction supplémentaire de nos quotas de pêche.

Cet accord apparaît comme un préalable pour consolider la confiance mutuelle et avancer sur d’autres sujets de coopération. Ça ne serait pas la mer à boire, puisque cet accord revient à prolonger le statu quo. Mais il est impératif pour apporter stabilité, prédictibilité et sécurité à nos professionnels de la mer.

Depuis le Brexit, Européens et Britanniques sont parvenus à s’entendre chaque année sur l’exploitation des stocks halieutiques partagés. Mais d’autres points de tension ont émergé et méritent une coopération plus exigeante à l’avenir.

Notre jardin commun, la Manche

D’un côté, le Royaume-Uni a interdit en 2024 le chalutage de fond dans plus de 4 000 km2 d’aires marines protégées, avec la ferme intention de poursuivre ces mesures unilatérales. Si ces décisions relèvent de compétences liées à la souveraineté du Royaume-Uni, elles risquent, à terme, d’exclure nos navires européensde zones entières de pêche. Cet enjeu nécessite un forum de discussion plus inclusif et transparent que le seul Comité spécialisé de la pêche instauré après le Brexit, qui n’est pas complètement parvenu à ce stade à apaiser les tensions. De l’autre, il y a la cohabitation dans la Manche, soumise à une pression de pêche grandissante qui impacte durement notre pêche artisanale, comme dans ma région, la Normandie. Nous devons travailler sur un cadre européen plus équitable et davantage régionalisé, plus favorable à la petite pêche côtière. Il faut aussi encourager la co-gestion, sur le modèle du Traité de la baie de Granville, malheureusement rendu caduc par le Brexit, qui encadrait les relations entre les pêcheurs français et ceux des îles anglo-normandes.

Les dirigeants britanniques et européens doivent profiter du prochain sommet de Londres pour poser les bases d’un accord pour sécuriser l’accès de nos navires aux eaux britanniques et l’avenir de nos droits de pêche. Il en va de la défense de notre filière pêche et de nos pêcheurs, de notre souveraineté alimentaire, et de la vitalité de nos territoires et régions maritimes. C’est également l’une des clés du succès de la relance des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Stéphanie Yon-Courtin, Conseillère régionale de Normandie, Députée européenne vice-présidente de la commission de la pêche au Parlement européen