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Euractiv I Pacte de croissance : les nouveaux « critères » allemands suscitent la défiance

Une grande majorité des États membres et des groupes politiques au Parlement européen s’accorde sur la nécessité de réformer le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Seulement, les inquiétudes sont réelles au sujet des modifications de dernière minute apportées par la Commission européenne pour tenir compte de la position de l’Allemagne, qui pourraient peser sur les programmes de réduction de la dette.

La révision du PSC, publiée par la Commission mercredi (26 avril), vise à donner aux États membres une plus grande marge de manœuvre pour définir des programmes de réduction de la dette sur mesure en étroite collaboration avec la Commission, et s’éloigner des règles précédentes trop exigeantes et qui pouvaient peser sur la croissance économique. 

« L’orientation générale de la réforme est positive par rapport au PSC actuel, qui n’est tout simplement plus adéquat ni légitime d’un point de vue économique et qui doit être remplacé », a confié à EURACTIV Andreas Eisl, chargé de recherche à l’Institut Jacques Delors.

 Mujtaba Rahman, directeur général Europe d’Eurasia, un cabinet de conseil en géopolitique, a indiqué sur Twitter que cette révision était presque aussi « importante » que « l’accord sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE ». Une position partagée par une grande majorité d’États membres, pour qui les règles existantes n’étaient tout simplement plus adaptées.

Une réforme qui s’impose

Le ministère espagnol de l’Économie, qui chapeautera les négociations à partir de juillet alors qu’il prendra la présidence tournante du Conseil de l’UE, a confirmé à EURACTIV que la réforme marquait une étape importante, qui devrait permettre aux États membres de réduire leurs dettes sans pour autant freiner la croissance économique. Un point de vue partagé par les gouvernements polonais et néerlandais.

« La réforme est un élément clé pour s’assurer que l’Europe reste résistante aux crises à l’avenir », a ajouté le ministre autrichien des Finances, Magnus Brunner, dont l’orthodoxie budgétaire ne fait pas mystère. Il a notamment encouragé les États membres à « revenir à des niveaux de dettes soutenables, comme l’a fait l’Autriche ».

Même les pays les plus endettés, comme l’Italie, la France et la Belgique, se sont dits « satisfaits » de la proposition, selon un diplomate européen, contacté par EURACTIV. 

 « Différencier les trajectoires nationales de dette, tenir compte des investissements, garantir une appropriation par les Etats…Tout ça, c’est une bataille qui a été gagnée.», a ajouté le diplomate. 

 Quant à l’Italie, qui détient l’une des dettes publiques les plus élevées de l’UE, elle a parlé d’un « pas en avant », selon les termes du ministre de I’Économie d’extrême droite, Giancarlo Giorgetti. 

 « La tentative de mettre fin à la rigidité des règles actuelles est positive », a déclaré Carlo Fidanza, chef de la délégation du parti de droite Frères d’Italie au Parlement européen, bien qu’il estime qu’un vrai travail de fond doit encore être engagé, s’inquiétant que « le pendule semble avoir basculé dans la direction de l’austérité et non de la croissance ».

France v. Allemagne

L’individualisation des objectifs de réduction de la dette pourrait bien constituer une amélioration par rapport au statu quo, même si beaucoup critiquent l’ajout de dernière minute par la Commission de « critères de référence communs » (« common benchmarks ») quantitatifs afin de se rapprocher de la position allemande. 

 « Nous devons être vigilants pour que [ces critères] n’amène[nt] pas à réintroduire des méthodes anciennes ou des éléments qui n’ont pas marché par le passé  », a averti le diplomate, sous couvert d’anonymat. 

 Contrairement à la communication initiale de la Commission sur la réforme du PSC publiée en novembre, plusieurs nouveaux critères ont été introduits, dont certains pour apaiser les craintes des Allemands, qui estiment que les nouvelles règles ne permettraient pas d’atteindre les objectifs principaux de réduction de dette. 

 Les critères incluent une réduction minimale du déficit à hauteur de 0,5 % du PIB par an, mais uniquement pour les pays dont le déficit annuel dépasse la limite de 3 % fixée dans les traités. Les États membres auront également une obligation de résultat dans leurs programmes de réduction de dette. 

 « Je crains que certaines contraintes quantitatives introduites dans la future proposition législative favorisent les politiques pro-cycliques que nous souhaitons pourtant éviter », a indiqué l’eurodéputée française de Renew Stéphanie Yon-Courtin. 

 D’autre part, le ministre allemand des Finances, le libéral Christian Lindner (FDP), s’est plaint que les « garde-fous » quantitatifs soient trop peu nombreux. De fait, selon lui, la proposition publiée mercredi « ne remplit pas ses objectifs ».

Dans une prise de position non officielle (« non-paper ») envoyée à la Commission au début du mois, le gouvernement allemand avait proposé une réduction minimale de la dette de 1 % du PIB par an pour tous les pays fortement endettés. 

 Cette divergence de positionnement entre les Français et les Allemands pourrait se renforcer au sein du groupe parlementaire centriste Renew. Autant la délégation française s’inquiète de « critères » trop contraignants, autant leurs alliés du parti libéral allemand FDP, à la manœuvre, veulent des règles budgétaires strictes. 

 « Les ajouts du FDP contreviennent à la flexibilité que nous accueillions favorablement dans la communication de la Commission » de novembre, a indiqué un responsable de Renew à EURACTIV. 

 Le gouvernement français « critique depuis longtemps les règles budgétaires […] et soutient fermement une approche plus “économique” et basée sur l’expertise pour gérer les finances publiques », a souligné M. Eisl. 

 Ou, comme le dirait M. Rahman, « les Français sont furieux ».

Investissements verts

L’Italie est également extrêmement préoccupée : « le fait d’avoir fixé un plafond pluriannuel pour les dépenses publiques sans prévoir de “règle d’or” pour les investissements publics risque de mettre en péril la reprise économique et la croissance des pays fortement endettés », a averti M. Fidanza. 

 Selon la nouvelle proposition, les périodes d’« ajustement budgétaire » ne devraient pas dépasser quatre ans, au cours desquels la dette publique doit diminuer conformément à un plan de réduction établi préalablement. Cette période peut toutefois être étendue à sept ans « si elle est étayée par des réformes et des investissements », précise le texte. 

 Mais il n’y a pas d’« incitation » à investir dans la transition verte, estime Caroline François Marsal du Réseau Action Climat, le réseau mondial des associations impliquées dans la lutte contre le changement climatique. Selon elle, les objectifs du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) risquent de ne jamais être atteints dans les temps. 

 Elle appelle donc à la création d’un Fonds vert européen qui donne une capacité budgétaire à tous les États membres pour investir dans des projets verts à long terme, dont les coûts initiaux devraient être « exclus » des calculs de la dette. 

 Un point de vue partagé par l’ancien Premier ministre belge Elio Di Rupo, qui a appelé à une plus grande flexibilité pour faciliter les investissements responsables. 

 Les Verts se sont également dits favorables à la création d’un nouveau fonds européen, tout en « désactivant » les règles initiales concernant les 3 % de déficit et les 60 % de dette publique, précisent les députés Karima Delli, Claude Gruffat et Damien Carême . 

Ces « chiffres arbitraires » ne sont rien d’autre qu’un appel à l’austérité, a ajouté à EURACTIV un responsable du groupe parlementaire écologiste au parlement européen. 

 De quoi, en somme, rendre les débats au Parlement et au Conseil européen plutôt mouvementés…

Par Théo Bourgery-Gonse 

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